Elle s’appelle Jenna, Lucinda, Lizbeth, Riita, Maria… Qu’importe son réel patronyme, le jeune homme endormi à ses côtés ne s’en souviendra certainement pas à son réveil. Ce n’est pas faute de mauvaise volonté, ou peut-être que si. De toute manière, il s’en moque bien plus qu’il ne pourrait le prétendre. Celle là n’a aucun intérêt à ses yeux, pas plus que celle d’hier, pas plus que celle qui suivra. Filles de passages, catins pour oublier, drogue douce pour se noyer dans les tréfonds de son âme. Elles sont là pour passer le temps, c’est ce qu’il ose encore prétendre, excuse passe-partout. Ceux-là même qui le connaissent réellement savent pertinemment pourquoi elles ne restent pas, pourquoi il ne les retient pas, pourquoi il s’acharne sur elles, les descends plus bas que terre et s’en amuse. Ceux qui ne le connaissent pas… Ne voient en lui qu’un coureur de jupon comme un autre, aussi direct que subtil, aussi joueur qu’enfoiré de première. Il est charmant, c’est un bon parti, et il en ait outrageusement conscient. Il pourrait leur promettre la lune, un mariage bien plus somptueux que dans leurs rêves les plus fous… Il se contente de leur signaler qu’il ne passera qu’une nuit avec elles, peut-être deux s’il tombe sur une chanceuse, mais jamais rien de plus. Ce n’est pas de sa faute si elles sont tellement naïves, si elles pensent pouvoir réchauffer son cœur de glace. Idiotes.
Celle-ci n'a de différence que d'avoir tenu plus de deux nuits pour tout vous avouer, lovée contre son amant, sa chevelure blonde éparse sur les draps, sa tête amoureusement collée sur le torse de l’endormi. Nul ne saurait douter de la valeur de la nuit qu’ils ont passée, si quelqu’un se décidait à franchir la porte de la chambre tout du moins… Mais ce sont les premières lueurs du jour qui réveillent le vert et argent, et son premier geste semble immanquablement être celui-ci : chercher son paquet de cigarettes, extirper une black jealousy, l’allumer pour en tirer l’amère saveur caramel-cannelle. La fumée rouge s’égare dans la chambre, tandis qu’il ne pense à rien. À ses côtés, la nymphe s’éveille, grimaçant sous l’odeur de la cigarette matinale {elles ne sont pourtant aussi puantes que les clopes moldues…}, et exécute un geste qui laisse le Serpentard, aussi froid que son regard planté sur le plafond : elle l’embrasse, caresse son torse, cherche à éveiller ce qui l’attire, quand il se permet de l’ignorer superbement. Elle n’a plus d’intérêt, elle est fade. « Tu vas être en retard pour les cours. Prends une douche et file. » laisse t’il entendre de sa voix encore embrumée, comme s’il s’intéressait réellement à sa scolarité. Oh, elle minaude la seconde année, il s’en décroche, se relève, offre sa nudité au jour, avant de se diriger vers la salle de bain. « Finalement, va t’en maintenant, tu prendras une douche dans ta chambre. J’ai besoin d’être seul. » Rien d’autres, pas de « au revoir » ou de « on se verra ce soir ». Elle est comme toutes les autres : effondrée de s’être faite avoir. C’est un bon coup pourtant, il la conseillera à son ami de toujours. Et sa clope éteinte, rejoignant les autres putains aux bas blancs dans le cendrier. De toute manière, le mois de sursis est dépassé, et jamais, jamais elles ne dépassent ce fameux mois.

  A t’il toujours été ainsi ? Certains diraient que oui, qu’il n’est rien de moins que l’enfoiré qu’il prétend être. Peut-être ont-ils raison au fond. A t’on jamais vu le fils Black aussi naïf et niais qu’un tendre amoureux ? Grand Merlin, jamais ! C’est bien le propre du fils que de ne jamais montrer son réel visage, de conserver pour lui toute trace d’émotions, toute parole qui indiquerait clairement sa réelle pensée. Il n’est pas de ceux qui s’épanchent, et même son ami le plus proche serait bien incapable de déchiffrer le jeune homme sans se tromper au moins une dizaine de fois. Indéchiffrable, secret, et plus que jamais hautain, la sombre chevelure dégoulinante de perles d’eau. Il efface l’odeur de sa dernière dulcinée, celle qui ne verra pas d’autres lendemains dans ses bras. Sans doute a t’elle crut qu’elle aussi qu’elle parviendrait à dégivrer ce cœur de glace, à apporter une touche de lumière dans les ténèbres permanentes. C’est bien de celles-là qu’il se moque le plus, de toute évidence, à leur offrir l’illusion d’une victoire parfaite, pour mieux les jeter de la tour la plus haute. Comme il se plait à le clamer haut et fort, celle qui possédera son cœur n’est pas née, et au cas échéant, il lui faudrait bien du courage pour déjouer tous les pièges qu’il placerait sur sa route. Non. Il n’est pas homme à aimer, pas une femme tout du moins (non plus un homme), il est de ceux qui vénèrent le pouvoir et n’offrent leur amour qu’à l’ambition. Il ne saurait en être autrement, tandis qu’il reprend son ignoble routine de célibataire endurcie, se glissant dans son uniforme avec une aisance digne d’un représentant de la famille des Black. Cravate nouée, sac sur l’épaule, c’est avec son paquet de cigarettes dans la poche et un air sifflé aux lèvres qu’il s’éloigne, prend le chemin de la grande salle, non sans passer un bras autour du coup de sa plus jeune sœur, n’embrassant que sa tempe avant de laisser un sourire narquois franchir ses lèvres insensibles.

Et pourtant, ses prunelles céruléennes s’attardent finalement sur une silhouette qu’il ne connaît trop depuis son enfance, d’une grâce qui ne laissera jamais douter de son appartenance, de la chevelure couleur des blés… Une belle au bois dormant qu’il n’observe que de loin, ne saurait jamais effleurer du bout des doigts, par tout ce qu’elle représente, de la petite peste qui berça les nuits importantes, de l’adolescente qu’il persécuta par la vengeance, la fille de la famille amie pourtant. Si dans les rangs adultes on murmure qu’une alliance aurait put être envisagée entre les deux jeunes étudiants, la rumeur s’avéra pourtant vite étouffée dans l’œuf, car il faudrait être fou, d’une humeur instable pour vouloir assurer la mort certaine de l’un ou l’autre des fiancés. Et elle se tient devant lui, sournoise vipère dont il se remémore chacun des méfaits qu’il lui a rendu au centuple, et l’envie lui vient de plonger enfin ses doigts dans l’or de sa chevelure, sans que le geste ne soit pourtant esquissé, refusant de s’abaisser à un tel désir, continuant son chemin sans plus s’occuper de la catin au parfum entêtant, s’en éloignant le plus possible, allant jusqu’à éviter de même la dernière conquête aux yeux gonflés qui aspirerait à lui parler, à se jeter dans ses bras, ne s’attirant qu’un déni, un soupir ennuyé alors qu’il prend place à la table des verts et argents, observe chacun de ses camarades, en salue certains, laisse son regard couler vers le visage impassible de Jedusor qu’il observe le quart d’un instant avant d’engloutir le croissant qui se trouve à portée de main. La journée sans doute, sera t’elle aussi excellente que la dernière.