Douce enfance.
On est de son enfance comme on est d’un pays. Eryn savait qu’un jour, un vieil écrivain moldu avait dit ça. C’était sa mère, elle-même passionnée de littérature, qui le lui avait dit. Rosa Rosenbach, née Martells, était une artiste bohème, ne jurant que par la poésie et la philosophie. Elle avait suivi des études de lettres pour ensuite devenir professeur de littérature anglaise, dans une faculté où elle avait vu passé des centaines et des centaines d’élèves différents. On disait qu’à trente ans passés, elle avait déjà réussi sa vie, et même si elle fumait beaucoup, n’était ni spécialement heureuse, ni réellement malheureuse, elle avait les moyens pour se payer la vie que tout le monde souhaitait, la vie banale et plate d’une trentenaire à peine épanouie. Et, il y avait comme une tâche sur ce tableau d’apparence parfait, comme un vide qu’elle n’avait pas réussi à combler par l’argent ou la détermination : l’amour. Poète dans l’âme, elle en avait beaucoup parlé, de ce divin Amour, dans ses écrits d’amatrice passionnée. Ce tant attendu, ce tant recherché, ce tant convoité Amour. N’était-il pas la réponse à la question du but de sa vie ? N’était-il pas le clé qui lui ouvrirait pleinement la porte du bonheur. N’était-il pas le détail qui allait tout changer, qui donnerai un but à chacune de ses décisions, à chacun de ses choix, n’était-il pas ce grain de folie qui lui manquait pour mouvementer ses journées monotones et terriblement ennuyantes ? Oh, l’Amour, celui qu’on voulait croiser au bout d’un couloir, au coin d’une ruelle, au détour d’une avenir ! Celui qu’on voulait romantique et passionnel, l’idylle qu’on imaginait éternelle, mais fatalement éphémère. Oh, le grand Amour, ne fallait-il pas être fou pour le convoiter au point d’en devenir insomniaque ? L’Amour, c’était donc ce qui lui manquait tant, ce qui lui permettrait d’atteindre enfin les sommets.
Et cet Amour, elle l’avait rencontré à quelques jours de son trente-et-unième anniversaire, et il prenait le nom de Chris Rosenbach, ce brun ténébreux dont elle s’était éprise dès le premier regard, dès le premier sourire.
Chris Rosenbach était né dans une famille sorcière, de sang-mêlé, et s’il avait eu une enfance plutôt joyeuse et banale, son adolescence n’avait pas été un véritable conte de fée. Sa grande sœur, alors à l’époque âgée de dix-sept ans, était tombée en dépression pour diverses raisons, et s’était tristement suicidée et leurs parents, impuissants et inconsolables face à ce drame, avaient lentement commencé une descente aux enfers qui avait mené à leur perte, et leur divorce quelques années plus tard, qui avait littéralement divisé Chris en deux parts égales ; si une partie de lui penchait pour sa mère, l’autre avait tendance à opté pour son père, et contraint à l’autorité parentale, sa garde avait été revenu à sa mère, et plus jamais il n’avait beaucoup entendu parler de son père, à qui il avait presque dû dire adieu. Il n’avait jamais été bien brillant à l’école, au plus grand malheur de ses parents qui avaient toujours espéré un bel avenir pour leur unique fils. Alors, il s’était retrouvé avec un diplôme arraché à la volée, et avait tout de même réussi à obtenir un poste secondaire au Ministère de la Magie, au département des sports magiques. Profession qui ne lui avait jamais réellement plu, mais il s’en était accoutumé, pensant de toute façon qu’il n’avait pas réellement eu le choix.
Ils s’étaient mariés rapidement, et huit mois plus tard, Rosa était déjà enceinte. Puis, ils apprirent qu’il s’agissait de jumelles, et cela les combla de bonheur. Naquirent Eryn, puis, quelques minutes plus tard, Joleen, en un après-midi de début d’été ensoleillé. C’était le début d’une vie familiale sereine et heureuse, à quatre. Tant qu’ils étaient ensemble, rien ne semblait pouvoir atteindre la bulle qui semblait les envelopper, les enfermant dans un univers chaleureux où un seul mot régnait : l’amour, cette valeur primordiale qui reliait les sourires de chacun.
Rapidement, Eryn et Joleen développèrent des caractères bien différents, même si leur ressemblance physique restait frappante, et bien souvent, il était impossible aux étrangers de pouvoir différencier l’une de l’autre, ce qui les amusait beaucoup. Eryn semblait plus agitée, plus têtue aussi, tandis que la plus jeune des deux, Joleen, était plus supportable, moins bruyante et demeurait sage comme une image, même si parfois, elle était embarquée dans toutes sortes de jeux enfantins par sa sœur, ce qui les menaient parfois à des disputes ou des chamailleries juvéniles. De plus, Joleen manifesta une mémorisation plus rapide que sa sœur, ainsi que des capacités intellectuelles visiblement plus développées, et par exemple, elle sut lire te écrire bien avant son aînée, qui avait toujours eu un peu plus de mal scolairement, mais s’était fermement attachée à ce qu’elle avait d’acquis pour pouvoir avancer, et bientôt, l’écart qui s’était creusé entre les deux jumelles Rosenbach se fit de plus en plus minime.
S’installa alors un quotidien assez répétitif, jusqu’aux onze ans des jumelles, où elle firent leur entrée à la célèbre école de sorcellerie connue dans le monde entier ; Poudlard. C’était le début d’un nouveau chapitre dans leur vie, et pas des moindres.

Course poursuite avec la mort.
Eryn et Joleen avaient à peine dix ans lorsqu'elles accueillirent un petit nouveau dans la famille : Eydan. Tandis qu'elles faisaient leur première rentrée à Poudlard, le garçonnet poussait son premier cri, au plus grand bonheur de leurs parents, qui semblaient voir en ce nouveau bébé une lueur d'espoir ; c'était comme si la relève était assurée, avec ses yeux aussi clairs que sa chevelure. Et puis, l'arrivée de ce nouveau-né mouvementait un peu ce quotidien qui se faisait répétitif et monotone, et comblait leur manque d'amour lorsque leurs jumelles leur manquaient un peu trop. Comme une bouffée de chaleur, une source de réconfort inouïe.
Cinq ans passèrent, et des liens très fraternels se développèrent entre les trois enfants Rosenbach, alors liés comme trois doigts de la main. Impossible de les séparer, malgré cette différence d'âge qui les éloignait.
La guerre frappa la Grande Bretagne, soudainement. Personne ne s'y était vraiment préparée. Des temps forts durs s'annonçaient, et on ne sortait plus beaucoup dans la rue, et toute trace de bonheur semblait avoir quitté la capitale anglaise. C'était triste, maussade. Poudlard n'était guère plus joyeux, du haut de l'Ecosse. On vivait dans la crainte, dans la peur constante. Les Allemands semblaient gagner du terrain et leur image terrifiait les esprits des habitants. Puis, le bombardement de quarante-et-un ravagea Londres.
La mort de Chris eut l'effet d'une bombe sur la famille, et Eryn ressentit une douleur si vive qu'elle aurait préféré toutes les tortures du monde. C'était comme lui enlever une partie d'elle pour l'enfermer dans les profondeurs les plus sombres des Enfers. Leur existence ne se résumait plus qu'à souffrance, sans ce père, cet héros, pour les épauler, et les conseiller. La mère tomba rapidement dans l'alcool. Près d'un an plus tard, Eydan était placé en famille d'accueil, alors que sa mère était jugée inapte à s'occuper de lui. Ce n'était que le début de la longue agonie des Rosenbach.

Eryn était devenue insomniaque, depuis quelques mois. On disait qu'elle avait changé, qu'elle n'était plus cette fille à l'impulsivité débordante et au sarcasme presque attachant. La mort de son père l'avait fait grandi, et quelque chose de désormais plus mûr s'étirait sur son visage froid, et même glacial. La princesse des glaces, tel était le sobriquet qu'on aurait pu lui attribuer. La douleur qu'elle ressentait était incomparable, et pourtant, elle semblait déterminée à la cacher au plus profond d'elle, à l'enfoncer jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus refaire surface. Et ça la consumait totalement. Elle voulait paraitre forte, pour sa soeur, pour son frère. Elle voulait assurer ce rôle de modèle, de pilier sur qui ils pouvaient encore compter, puisque leur mère avait déjà cédé à la débauche. A la faiblesse. Elle la décevait tant. Leurs rapports étaient devenus plus que tendus, et ça aussi, ça lui faisait mal, bien trop mal. Comment avaient-elles pu en arriver là ? Les masques ne pouvaient plus tomber, désormais, il était trop tard. Eryn n'était plus la même. Eryn serait une battante, désormais, armée de cette impassibilité, de cet air indifférent à longueur de temps.
Même si au fond, elle bouillonnait de chagrin.

Défaillance.
Bartosz Winterfell était un jeune homme fort intriguant qui, dès les premiers instants, avait attiré le regard et éveillé la curiosité de la jolie Eryn. De quelques années son aîné, elle ne l’avait jamais remarqué avant cette soirée organisée par quelques Serpentards de la promotion supérieure, et à laquelle elle s’était rendue, un peu à contre cœur au début. Revêtue d’une robe sombre qui mettait les courbes de son corps et sa taille de guêpe en valeur, elle était splendide, ce soir-là. Rares étaient les fois où Eryn prenait tant de soin à se faire plus jolie, à maquiller son visage, à rehausser sa silhouette finement taillée de quelques centimètres grâce aux talons qu’elle avait emprunté à sa sœur. Et, absolument superbe, c’était sans grande surprise que le fascinant jeune homme était venu l’accoster, un verre à la main. « Une aussi charmante demoiselle ne devrait-elle pas être constamment accompagnée, dans un telle soirée ? » Il avait cette voix rauque et ce brin de malice dans le regard qui faisaient fondre Eryn. Depuis la mort de son père et la chute de sa mère dans l’alcool et la débauche, elle s’était interdit toute sorte d’attachement, en excluant naturellement Joleen et Eydan, qui étaient tout pour elle, ses deux seuls piliers, ses deux derniers espoirs. Elle s’était enfermée dans son chagrin, ne souhaitant divulguer sa souffrance, et avait refusé de se donner à une quelconque faiblesse, s’armant d’un nouveau caractère, plus fort, plus froid, plus distant avec la nature humaine. Elle était devenue cette bête féroce, à la voix teintée d’arrogance et d’insolence, secrète et rancunière, dont la tristesse avait rendu égoïste et c’était bien dommage pour une si jolie fille. La fatalité du destin avait achevé toutes ses chances d’espérer un bel avenir avec ses proches. Aujourd’hui, elle se battait continuellement en s’accrochant à ce qui la rattachait un petit peu à la vie, et en se divertissant du mieux qu’elle le pouvait. En se rendant à ce genre de soirées pathétiques, où l’alcool et la drague étaient affaires communes, par exemple. Elle s’était contentée d’esquisser un léger sourire, tout de même ravie des compliments qu’il lui adressait, ne pouvant s’empêcher de rougir quelque peu. Il avait insisté. « Tu viens danser ? » Et ils avaient passé la soirée dans les bras l’un de l’autre.
Un certain jeu de séduction s’était installé entre eux, et Eryn, alors âgée de dix-sept ans, se sentait tomber doucement amoureuse de ce Serpentard à la peau de velours et au regard envoutant. Devenait-elle folle ? Oui, folle d’amour, ivre de sentiments. Il avait cette manie de constamment la laisser sur sa fin, de la faire espérer, et de toujours et encore la surprendre, des tonnes de fois. C’était comme si ce n’était qu’un simple jeu pour lui. Et c’était évident ; elle était prise au piège, il était le chat, et elle la souris. Subissant les humeurs et les talents de manipulateur du garçon, ça la rendait dingue, tout ce manège, elle ne savait plus que penser, plus que faire, et c’en était trop, beaucoup trop pour elle.
« A quoi tu joues, putain ? Qu’est-ce que tu me veux, au final ? » Il s’était faufilé dans sa chambre, attrapant ses hanches et collant son corps contre le sien. Les yeux animés par un désir nouveau, une passion qu’elle ne lui connaissait pas, les mots étaient sortis tout seul des commissures des lèvres d’Eryn. Ce garçon la déroutait autant qu’il l’embarrassait, il était indomptable, incompréhensible, et elle détestait ce sentiment de faiblesse à chaque fois qu’il était dans les parages. Il embrassait son cou et sa tête se jeta en arrière par elle-même, elle le repoussa d’un élan sauvage, fit volte-face, emportée par un élan de colère. La colère. Elle était omniprésente, constamment, dans la tête d’Eryn. C’était son point faible, son point fort, ce qui allait sûrement causer sa perte. Mais c’était aussi son arme, sa carapace. La colère, la rage, toute cette haine qu’elle ressentait contre la guerre qui avait tué son père, contre sa mère qui était bien trop faible, contre elle qui ne semblait jamais être à la hauteur. C’était toute cette putain de haine qu’elle avait accumulé d’année en année, qui la rendait si froide et si distante, et qui risquait de la faire exploser, telle une véritable bombe, à tout moment. Peut-être était-ce moment. Et Bartosz qui gardait ce sourire amusé, comme à chaque fois qu’elle s’irritait. Comment faisait-il donc pour être si beau et détestable à la fois ? « Alors, c’est ça, hein ? C’est bien ce que je pensais, de toute façon, ce n’est qu’un putain de jeu pour toi ! Mais t’es aveugle, ou simplement un pur salop ? T’es une véritable ordure, t’es le diable en personne Barto, mais putain qu’est-ce que je… » Elle avait laissé sa phrase en suspens. Qu’est-ce qu’elle pouvait être dingue de lui. Oui, c’était ça, complètement folle de chacun de ses gestes, folle de ses lèvres et folle de son corps. C’était une passion bestiale qui s’éveillait en elle à chaque fois qu’elle le voyait. Et, sans qu’elle puisse ajouter un mot de plus, il s’approcha d’elle, attira son corps contre le sien, et, doucement, après avoir caressé sa joue avec tendresse, déposa un court baiser sur ses lèvres. Comme elle l’avait attendu, ce divin moment.

Ils étaient sortis ensemble pendant près de sept mois. Bartosz avait toujours occupé la place d’un homme dominant et la femme était sa plus grande faiblesse ; il aimait le volume des formes de sa bien-aimée, et la colère qu’elle enfermait au fond d’elle ne la rendait que plus belle. Au fond, il n’avait jamais ressenti un véritable amour pour Eryn. Simplement un moyen de se divertir pendant quelques temps. Et puis, elle l’intriguait, le fascinait même. Elle avait ce don d’éveiller en lui quelque chose de nouveau, quelque chose d’inconnu, et plus les jours passait, plus il explorait de nouveaux continents de sa personnalité. Il appréciait ces moments passés ensemble, que ce soit dans des coins obscures ou à la lumière du jour, seuls dans des recoins ou aux yeux de toute la population étudiante de Poudlard. Il avait réellement aimé les instants qu’ils avaient partagé, même si l’attachement, l’amitié et l’amour n’avaient pas leur place dans la vie de cet opportuniste sans scrupules, de ce manipulateur de foules qui n’avait aucune gêne à briser et à détruire les cœurs. Bartosz n’était pas un bon garçon, et c’était cela qui avait tant attiré Eryn, étrangement.
Il était devenu désagréable et irrespectueux avec sa petite-amie, se permettant de draguer ouvertement d’autres demoiselles lorsque celle qu’il avait déjà commençait à l’ennuyer. Eryn était malheureuse, et même complètement brisée à l’idée de ne plus du tout briller aux yeux de Bartosz, et cependant, elle gardait tous ses doutes et toutes ses craintes pour elle, s’enfermant petit à petit dans un inquiétant mutisme qui ne semblait alerter personne, à part Joleen peut-être. Et puis, Bartosz parlait beaucoup d’avenir, de ses projets de réussites professionnelle, de son ambition débordante qui le consumait littéralement. Il parlait d’argent, aussi. Il aimait l’argent, plus que tout. Eryn découvrait une nouvelle facette de la personnalité de Bartosz qu’elle n’avait jamais connu jusqu’à présent : l’avarie. Elle commençait à se poser de nombreuses questions. Sa mère, bien qu’au bord du gouffre, n’avait pas touché à cette précieuse richesse qui logeait dans les coffres fort de la famille Rosenbach, bien trop occupée à boire et à boire encore et encore plutôt qu’à se préoccuper de leur compte bancaire. Et c’était peut-être mieux ainsi, d’ailleurs. Et si Bartosz ne s’intéressait à elle que pour leur infinie richesse ?
Alors épuisée de ce petit-ami qui bouffait littéralement son espace vitale et la rongeait petit à petit, elle décida de le quitter, du jour au lendemain, et ce fut un réel choc pour Bartosz, qui ne s’attendait pas à ce qu’Eryn se réveille ainsi. Atteint dans sa fierté, c’en fut définitivement terminé du soupçon d’amitié qui avait pu naitre entre eux, autrefois, et il n’y avait plus que de la place pour une éternelle rancune. Eryn, quant à elle, redevint cette jeune fille brisée par la perte de ses parents et par la distance qui la séparait de son petit frère qui lui manquait tant, et dont le seul soutien n’était plus que sa jumelle, à qui elle tenait plus que la prunelles de ses yeux. D’une certaine manière, elle se sentait presque responsable de la fragile et adorable Joleen, que la vie semblait pouvoir atteindre à tout moment, et ça l’inquiétait terriblement. Elle faisait tout pour paraitre forte et battante, comme si rien ne pouvait l’arrêter, et elle utilisait sa rage et sa haine contre Bartosz pour continuer d’avancer, comme un mal bénéfique.
Et pendant près d’une demi-année, ils s’ignorèrent.

Cela faisait deux mois qu’il jouait à un jeu bien trop dangereux qui risquait de tous les briser. Eryn avait du mal à comprendre les intentions de ce brun qui refaisait mystérieusement surface dans sa vie, et dans celle de sa sœur aussi, cette fois-ci. Il semblait avoir de nouvelles idées dans la tête, et cela n’inspirait rien de bon à Eryn, qui commençait à connaitre la personnalité de Bartosz. « Bartosz, t’as deux minutes ? » Il la toisa d’un air de défi qu’elle détestait, mais elle prit sur elle pour ne pas le gifler. « Ca dépend pourquoi. » Elle leva les yeux au ciel et l’attrapa par le bras, l’entrainant dans un lieu moins fréquenté. « Pourquoi tu harcèles Joleen ? Tu veux te venger, c’est ça ? T’as toujours pas tourné la page de ce qu’il s’est passé entre nous deux il y a presque un an ? Non, c’est pas ton genre, je te connais. C’est pire qu’une vengeance. Qu’est-ce que tu veux ? » Elle avait ce ton agressif et lui ce sourire comme indélébile. Oh, comme elle détestait cet ignoble sourire. Elle le détestait de tout son être. Était-ce possible de détester quelqu’un qu’on avait tant aimé ? Il prit la parole d’une voix claire teintée d’amusement. « Ce que je veux ? » Il rit. C’était le diable en personne. « Je veux votre argent, Eryn. Je veux échapper à mes parents en me mariant avec toi, et disposer de toute votre richesse. » Elle en resta bouche bée. Il avait toujours le don de la surprendre. « T’es complètement dingue ! Me marier avec toi ? Jamais de la vie ! » Elle explosa de rire, comme secouée par un élan de folie. Puis, elle reprit de son sérieux en voyant la mine grave de Bartosz. Elle pouvait s’attendre à n’importe quoi. « Si tu refuses, c’est Joleen qui en payera les conséquences. » Elle eut à nouveau envie de le gifler. Quelle putain d’ordure. « Laisse la en dehors de tout ça. » « Pour ça, il faudra que tu sois coopérative. » Et il plongea son regard dans le sien, se faisant de plus en plus insistant, et se rapprochant dangereusement d’elle. Quel pervers, quel vicieux. S’il existait quelque chose de plus fort que de la haine, alors, c’était ce qu’elle ressentait. Elle hésita quelques instants, prit une longue inspiration. Si elle acceptait, c’était uniquement pour sa sœur, qui souffrait à cause de lui. Si elle acceptait, c’était simplement pour qu’elle retrouve un peu de sérénité, un peu d’harmonie. Si elle acceptait, elle savait qu’il avait gagné, et qu’elle avait tout perdu. Mais elle ne pouvait pas se permettre de faire ça à Joleen, elle devait être à la hauteur, pour une fois. Malgré tous les sacrifices que cela entrainait. « Explique-toi. »
Bartosz et Eryn sont de nouveau ensemble. C’est sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes. C’est la dernière rumeur qui circule, depuis deux semaines. C’est officiel, c’est annoncé, c’est déclaré. Ils sont plutôt mignons, ensemble, ils se font des câlins, se tiennent par la main, s’embrassent dans tous les recoins. Tout le monde pense qu’elle retrouve gout à la vie, qu’elle reprend plaisir à bien s’habiller, bien se coiffer, bien se maquiller, qu’elle est mieux dans sa peau, qu’elle redeviendra cette fille aimante et sympathique qu’elle était avant. Tout le monde pense que Bartosz est un héros. Tout le monde a tort. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, elle joue un rôle, constamment.
Et ça la brûle.