« C’est pas juste moi aussi je veux y aller ! » Tu tapes du pied et jettes ton hibou en peluche en direction de la porte manquant de peu la silhouette sortant de ta chambre. Ta mère se retourne et tu esquisses un mouvement de recule devant l’éclair de furie qui passe dans ses yeux. « Phaedra, habille-toi et arrête tes sottises immédiatement. » Malgré ton instant d’hésitation, tu croises les bras sur ta poitrine et secoue vivement tes cheveux bruns. « J’irai que si je peux aller dans le train aussi. » Tu tiens bon devant la colère apparente de ta mère et elle change finalement de tactique s’approchant doucement de toi avant de s’agenouiller. « Tu iras dans un an tu le sais bien. » Tu hausses les épaules. « Mais j’ai onze ans dans même pas deux, c’est totalement stupide. » D’une main étrangement tendre elle vient caresser tes cheveux. Dans ton courroux tu remarques à peine ce geste peu habituel. « C’est la règle, tu dois avoir onze ans avant août pour rentrer à Poudlard. » Tu trouves la règle bien bête. Quand Icarus a du attendre un an sous prétexte de sa naissance tardive, tu n’avais pas bronché, mais maintenant que ça te regarde tu as un avis bien tranché sur la question. C’est absolument ridicule. « Eh bien dis à papa de changer la règle. » fais-tu parfaitement sérieuse sur un ton presque impérieux. Autant dire que ta mère n’apprécie pas, malgré son petit rictus vaguement amusé. « Ca ne marche pas comme ça. Cesse de faire l’imbécile maintenant, tu iras à Poudlard bien assez tôt. Profite de ton enfance tant que ça dure. » Tu n’apprécies pas du tout de te faire traiter d’enfant. Tu te dis prête pour Poudlard, tu n’acceptes de personne une affirmation du contraire. Et à quoi bon avoir un père à la tête du Ministère de la Magie si on ne peut pas en profiter un peu ? « Dépêche-toi, sinon on te laisse ici. » fait-elle avec fermeté. Elle a besoin que tu viennes cependant. Comme chez les moldus l’image d’une famille unie joue beaucoup pour la popularité d’un Ministre et elle ne voudrait pas rater l’occasion d’un beau cliché en famille sur le quai 9 3/4. Si ça tu l’ignores encore, du haut de tes neuf ans et trois quart - comme tu te plais à le faire savoir - tu sais bien que si l’on t’emmène il te faudra te tenir à carreau pour sauvegarder ladite image. Non que vous ne soyez pas réellement une famille unie bien sûr, vous êtes juste un peu plus observés que d’autres. Comme tu ne cilles pas ta mère propose « Je t’emmènerai au chemin de traverse après. » « Je veux une robe et une nouvelle baguette-jouet, j'ai cassé l'autre. » « Vendu. Habille-toi. » Tu t’exécutes, un petit sourire aux lèvres. Ce n'est pas ce que tu voulais et tu as du finir par céder devant l’intransigeance de ta mère, mais pas sans avoir pu faire passer ta petite condition. C'est un début pour ta carrière de négociatrice.



« Fawley, Phaedra ! » appelle-t-on enfin, ton nom raisonnant sur les murs de la Grande Salle tandis que plusieurs regards curieux se posent sur toi. La fille du Ministre de la Magie actuel suscite forcément un certain intérêt. La répartition n’est presque qu'une formalité pour les sorciers de ta famille, Serdaigle accueillant la plupart d’entre vous de génération en génération, ton père compris. Drapée dans ton innocence apparente et ta grâce travaillée, tu t’avances l'air déterminée vers ton destin. Brave comme ta Potter de mère tu refuses de ressentir peur ou stress quelconque. Serdaigle est certes la maison ancestrale, mais tu n'es pas de ces familles où l'on déshérite qui failli aux traditions. Les Fawley ne sont rien s’ils ne sont pas tolérants après tout. Et puis tu n’es pas dépourvue de l’intelligence familiale, tu peux avoir bon espoir d'être répartie chez les aigles. À peine t'es-tu assise sur le tabouret, que l'on dépose le chapeau sur ta tête et bientôt une voix étrange s'adresse à toi. « Oh une Fawley ! Il fut un temps j’en voyais passer des dizaines par génération.. » Tu es la seconde enfant du chef de famille actuel et également la dernière, rien à avoir avec le modèle de la famille nombreuse que représentait ta famille à une époque.  « Ton frère a bien sa place à Serdaigle et la tradition familiale voudrait t’y voir. Tu ne manque certes pas d'esprit, mais je détecte en toi un courage et une certaine force qui semblent vouloir te mener tout droit à…GRYFFONDOR » Soufflant brusquement tout l'air que dans ta concentration tu n’avais pas eu conscience d'avoir retenu, tu te lèves prestement, sous les applaudissements de tes nouveaux camarade de maison. Tu es surprise, mais tu le caches bien et esquisses un sourire serein. Assez fière, tu trottines presque jusqu'à la table secouant au passage tes longs cheveux d'ébènes. Tu ne rejoindras pas Icarus donc.  Tant pis, tu pourras bien assez voir ton frère sans cela, d’autant que tu n’en es après tout pas si proche que cela. Oh loyale que tu es et as toujours été envers ta famille bien sûr, tu l’aimes, mais vous êtes différents. Cette répartition n’en est qu'une nouvelle preuve. À peine assise tu le cherches toutefois du regard, lui, assis au beau milieu des bleu et argents et lui fait signe de la main en souriant. Votre père est Ministre de la Magie, tu es enfin à Poudlard, chez les lions de ta mère, la vie commence et elle est belle.



« FAWLEY REMPLACÉ » proclame la une du journal qu’on vient de jeter sur la table à côté de toi. Tu sais très bien que le but est de te faire réagir, mais tu fais mine de n’avoir rien vu et avales ton jus de citrouille sans un regard vers ton camarade. Tu ne peux cependant t’empêcher de remarquer les regards posés sur toi et les murmures des membres de ta maison. La gazette aussi en a fait sa une à l’instar de tous les journaux sorciers de Grande-Bretagne. Après tout un changement de Ministre est d’importance ultime. Heureusement on ne t’a pas laissé apprendre une telle nouvelle par un article de sensation mal écrit, toi comme ton frère ayant reçu une lettre la veille vous prévenant de ce retournement de situation. Tu aurais peut-être pu le pressentir si tu avais été plus âgée, mais tu n’as que douze ans, pour l’instant les aléas de la politique étaient encore trop subtiles pour toi. Tu avais depuis bien longtemps réalisé que c’était ta mère qui prenait réellement les décisions, la main de fer dans un gant de velours, mais ton acuité politique restait autrement limitée. Cela ne t’avait pas empêché de pleurer en lisant la lettre, réalisant sans exactement saisir pourquoi ni comment, que les choses allaient irrémédiablement changer. Ce n’était qu’un métier. Oui, mais non, c’était un mode de vie aussi. C’était une réputation que les Fawley allaient perdre. On compte nombre de personnes d’importance parmi tes ancêtres, mais personne jusque-là n’avait été démis de ses fonction. Et alors que tu fais semblant de rien, assise comme tout autre élève dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner, le rouge de tes joues te trahit. Tu as honte. Pour la première fois de ta vie. Ton courage te permet tout juste de finir ton verre et tu files en dehors de la salle, la tête haute, le pas contrôlé. Une vie passée à être la fille chérie du chef du Gouvernement sorcier t'a au moins appris à te comporter en public. Si tu dois pleurer tu ne veux pas le faire devant tout le monde, tu as besoin de temps avant de pouvoir affronter les autres. Les toilettes des filles sont ta cible, mais tu es arrêtée avant de l'avoir atteinte. Icare t'a rattrapée. Tu te jettes dans ses bras. La honte est quelque chose que tu vis mal.



« Maman,

Merci pour le cadeau d’anniversaire que tu m’as envoyé. Il m’a fait très plaisir. Et non ne t’inquiète pas Icare n’a pas oublié de me souhaiter mon anniversaire. Il a même consenti à abandonner Alice pour la journée et a passé l’après-midi avec moi. Ca doit être un bien grand sacrifice.

Mais c’est à mon tour de te faire plaisir ! Je suis en effet heureuse de pouvoir t’annoncer que, comme toi quand tu étais étudiante, j’ai rejoins les Rose d’Hasbahçe. Mon adhésion est toute récente, mais je m’y plais déjà. C’est rafraîchissant de se trouver enfin exclusivement en compagnie de jeune filles qui me ressemblent. Tu comprendras ce que je veux dire… J’espère te faire honneur et je crois bien que ça me sera très utile.

Autrement tout va bien à Poudlard, enfin autant que ce peut. J’apprécie particulièrement les nouvelles options que j’ai choisi pour cette année, je ne regrette pas de t’avoir demandé conseil durant l’été.

J’écris en parallèle à papa pour le remercier de sa carte, mais embrasse-le tout de même de ma part.

Au vu de la prochaine sortie à Pré-au-lard, je ne cracherai pas sur un peu plus d’argent de poche s’il-te-plaît.

Bien à toi,

Phaedra.

P.S. Jeyne, une amie née-moldu, m'invite à passer quelque jours chez elle pendant les prochaines vacances. Je lui ait dit que je vous en parlerai…J'ai très envie de passer quelques temps chez elle, mais je préfère vérifier que ça ne vous dérange pas.




« Fais attention Phaedra  » Tu lèves la tête brusquement, un sourcil arqué. Ta mère n’en est pas déstabilisée le moins du monde et t’invite d’un geste de la main à poser ton livre sur la table. Visiblement elle veut s'entretenir avec toi d'un sujet d'une certaine importance car chez les Fawley on ne renonce pas à sa lecture pour un rien. « De quoi tu parles ? » Fais-tu, innocence incarnée et sincère pour une fois. « Tu es bien moins secrète que tu n’aimes à le croire.  » Tu es surtout bien trop comme elle. « Je sais quelles sont tes ambitions.  » Tu souris, pas gênée le moins du monde par cette révélation. Si ta mère te connait, tu te vantes toi aussi de pouvoir la déchiffrer. Et si elle en sait autant qu’elle le prétend, ça ne te pose pas de problème car tu doute qu’elle ait beaucoup à te reprocher. « Elles sont tout à fait louables et je ne doute pas que tu as le bien de la famille à cœur.  » Elle sourit avec tendresse. En effet ta famille est ton allégeance ultime quoiqu’il arrive. Surtout que, dans ton esprit, le pire est déjà passé. Vous ne pouvez que vous racheter désormais. Cependant une autre cause, pas contradictoire, mais différente a récemment gagné ton cœur. Poudlard n’est plus le havre de paix qu’il a pu être un jour et tes préoccupations au sujet de la sécurité des élèves dépassent celles résultant de tes responsabilités de préfète. Si tes parents t’ont toujours montré la voie de la tolérance extrême, ils ont toujours fait attention à préciser que ce genre d’opinion devait rester intérieure, secrète. C’est important pour ne pas perdre d’alliance et les alliances sont importantes en politique. Tu as toujours été une bonne élève, mais tes opinions, tu as plus de mal qu’eux à les garder privées. Tu veux bien faire quelque concessions, mais tu ne peux pas tolérer l’intolérance. C’est au prix d’un effort certain que tu ne déclares pas ouvertement la guerre au sang-purs radicaux. Et tu n’as pas hésité un instant à montrer ton soutient au groupe d’insurgés aux idées si attirantes. « De quoi as-tu peur alors ? » Articules-tu finalement, confuse. Si ta mère ne craint pas pour la famille, que craint-elle alors ? Elle secoue la tête. « Reste discrète, pour ton propre bien. Tu pourras accomplir bien plus si tu parviens à garder une apparence de neutralité.  » Tu fais la moue. Ton père a payé sa neutralité par la perte de son travail. Toutefois tu hoches la tête, il a fait de son mieux ton père et tu ne lui en veux pas. Il aurait du réagir plus tôt à la menace de Grindelwald, mais ça n’est pas suffisant pour remettre entièrement en cause la technique mise en avant par ta mère. Après tout il n’est pas le seul à se montrer trop passif, il y a bien des adultes dans le monde sorcier que tu aimerais secouer un bon coup. À commencer par ton directeur de maison.