Tu as treize ans. Tu regardes le ciel morne d'un air morose. Le soleil vous prive de sa gracieuse chaleur depuis maintenant plusieurs jours, préférant jouer à cache cache entre les nuages ternes et maladifs. Au fond, tu devrais y être habitué. L'Angleterre n'a jamais été terre de clémence quand il s'agit de météo. A ta naissance déjà, la pluie scindait ton village, s'abattant avec perte et fracas sur le manoir, s'alliant en parfaite harmonie avec tes hurlements de nourrisson. Comme si les cieux tout entier s'étaient accordés pour t'annoncer cet avenir nébuleux qui t'attendait dés lors. Certes, tu n'as pas connu une enfance malheureuse. Pour tout avouer, ce fut tout le contraire. Les Potter n"ont jamais été connu pour leur mode de vie excentrique ou ténébreux. Mais fixer le ciel ainsi n'arrangera pas les choses. C'est ton anniversaire, et tant pis si la météo a décidé de faire des siennes. Ton optimisme légendaire ne va pas céder pour faire plaisir aux orages. Ta mère arrive avec le gâteau, tandis que ton père se hâte de t'apporter les cadeaux. Bien que ta famille ne soit pas très connue parmi la communauté sorcière, elle a su se forger au fil des siècles une fortune assez importante. Tes parents ont toujours tenu à vous faire plaisir, à toi et tes frères. Parfois même à la limite du raisonnable. Tes yeux scintillent à la vue du gâteau. Framboise, ton préféré. Ta mère a tenu à faire celui là spécialement pour toi, congédiant les elfes de maison pour la journée, à leur plus grand déplaisir. Toute la famille est là, y compris les Fawley, tes cousins paternels. Tu ouvres le premier cadeau, celui de ton père. Ton premier balais, tu en rêvais. Une pile insubmersible de présents plus tard, tu t'attaques enfin au gâteau. Ton frère et tes cousins en décide autrement, t'envoyant le contenu de leur assiette en plein visage. Et tout aussi vite, la fête d'anniversaire se transforme en bataille de nourriture. Mais au fond, c'est certainement l'un des meilleurs souvenirs que tu en gardes.

Tu as dix-huit ans. Tu es en cours de Métamorphose, sans doute le meilleur et le plus intéressant, avec celui des sortilèges. Le Professeur Dumbledore peut bien te sembler des plus étrange de temps à autre, mais ses cours savent te fasciner comme nulle autre. Tu regardes autour de toi, et constate être le seul à vraiment écouter un minimum. Nul besoin d'être legilimens pour aisément devenir ce que la plupart des autres élèves aimeraient faire en cet instant précis. Puis ton regard croise le sien. Et tout s'arrête. Le monde semble cesser de tourner, et ton coeur accélère. Tu sais que tu ne devrais pas ressentir ce genre de sentiments pour elle, mais c'est plus fort que toi. Le coeur a ses raisons que la raison ignore. Ce diction n'aura jamais été plus correct que pour décrire ces sentiments qui t'envahissent à sa vue. Au fond, vous ne faites rien de bien mal, n'est-ce pas ? Ce sont vos histoires, et elles ne blessent personne, si ce n'est vous-même. Vous ne pouvez l'avouer, ni même le montrer. Cet amour vous consume de parts en parts, et tu n'en as pas honte. Tu n'en as jamais eu honte. Tu sais seulement que personne n'acceptera ça. Ni aujourd'hui, ni demain. Jamais. Inceste. Ce mot te paraît si cinglant et froid comparé à ce que vous ressentez l'un pour l'autre. Comme une seule et même âme séparée en deux bien trop tôt. Des âmes soeurs. Tu sais que certaines familles de sang-pur ont recours à ce genre de chose. Mais par convenance. Cupidon vous a touché en plein coeur, et sa flèche provoque toujours des dégâts à ce jour. Ce n'est pas par convenance. Vous vous aimez, et pour rien au monde tu ne changerais cela. Mais tu as peur. Pour elle, et pour ce qu'on pourrait lui faire si cela venait à s'ébruiter. Votre famille l'ignore encore, mais pour combien de temps encore ? Tu lui envoies un coup d'oeil équivoque, qu'elle s'empresse de te rendre. Cette histoire dura le temps qu'elle dura, tout ce que tu sais c'est que tu l'aimeras toujours. Rien ne pourra jamais ébranler ce fait. Alors, cette pensée en tête, tu concentres de nouveau ton attention sur le cours, le coeur battant toujours à un rythme effréné.

Tu as vingt-deux an. Une tension tenace et désagréable plane sur le château depuis quelques temps maintenant. Tu en es conscient, mais tu l'ignores délibérément. Une ambiance lugubre a pris place au sein même de l'école, dispersant élèves et professeurs, qui se voient désormais divisés en factions, se liguant toutes les unes contre les autres. Tu trouves toute cette agitation ridicule, et oppressante. Toi-même étouffe dans cette paranoïa grandissante, qui n'a nul lieu d'être. Tu n'es pas sans savoir que le mal rôde, tu n'es pas idiot. Mais toutes ces rumeurs infondées sont responsables de plus de chaos que de prévention. Tes parents t'ont toujours prévenu : il ne faut jamais se fier aux rumeurs tant qu'on a pas vérifié sa source. Et la source est déjà probablement enfouie sous des tonnes de mensonges sans sens aucun. Assis à la table des Gryffondor, tu déjeunes sans même accorder la moindre importance au climat de peur qui règne et aux élèves qui s'analysent et jaugent du regard. Tu t'en moques, te complaisant dans la neutralité la plus totale. Seule ta famille t'importe, et ces guerres de factions ne t'intéressent guère. Tout au plus, elles t'ennuient. Tu sais que plusieurs membres de ta famille ont rejoint le clan des Insurgent, dans le plus grand secret. D'autres ont préféré se tourner vers l'espionnage, ou bien ont peur, comme tous les autres. Et tu te retrouves au milieu, spectateur impuissant de ces clans qui se déchirent entre eux. Les idéaux de Jedusor ne te plaisent pas et ne te plairont jamais. Mais bien que l'esprit de rébellion t'habite, la tranquillité et la liberté de penser t'animent encore plus. Et tu ne courberas jamais l'échine face à la peur, ce serait mal te connaître. Tu n'iras pas non plus colporter ou cafter pour les uns et les autres. Tu veux être ton propre maître, porté seulement par les ailes de la neutralité, et tous les avantages qu'elles apportent. Alors que tu regardes les élèves autour de toi, tu plonges de nouveau le regard sur ton assiette, et te sert une nouvelle part de pommes de terre sautées.