mars 1942 + 22 ans. La petite fiole roulait entre ses doigts, manquant à chaque instant de venir s’écraser sur le sol froid de sa chambre. Calidora fixait le liquide bleuâtre qui formait de petites vagues dans sa cage de verre avec un regard détaché qui ne lui était pourtant pas habituel. Elle savait qu’elle n’en aurait pas le courage. Depuis le début elle ne se sentait pas prête à le faire. Mais comme pour immortaliser ce moment de sa vie où plus rien ne semblait aller en son sens, Calidora avait poussé son idée jusqu’au bout. Jusqu’à finalement se retrouver face à cette fiole sans trop savoir quoi en faire. Pendant de longues minutes elle l’avait observée sans jamais oser porter le liquide fatal à ses lèvres. Pourtant si elle en était là aujourd’hui c’était bien parce que vivante ou morte, elle se savait condamnée. Calidora avait comme perdu le fil de sa propre vie. Et elle savait pourquoi elle en était là aujourd’hui. C’était entièrement de sa faute. Elle n’était pas assez forte, pas assez combattante. Jamais suffisamment drastique avec elle-même pour pouvoir véritablement faire quelque chose de sa vie. Obéis et tais toi, voilà tout ce qu’on lui avait enseigné. Et comme une idiote c’était ce qu’elle avait fait toute sa vie. Y mettrait-elle simplement un terme ? Saurait-elle même trouver en elle un peu de courage pour se rebeller face à cette famille qui ne voyait en elle que le moyen de perpétuer la lignée ? Aucun autre avenir ne lui était réservé, elle le savait, Calidora n’était pas promise à de grande chose. Mais elle, elle était tombée dans le panneau. La tête la première et le coeur devançant toutes ses attentes. Hager. Hager. Le nom de son cousin tournait dans son esprit sans jamais s’arrêter, comme pour lui rappeler qu’elle ne serait jamais capable de l’abandonner alors qu’il était celui qui avait fait d’elle l’espionne de Tom Jedusor à son insu. Tout un tas d’idées et de sentiments contraires noircissaient le coeur de la jeune femme. “Calidora, ils arrivent dans moins d’une heure, j’espère que tu es prête !” La voix de sa mère résonnant à travers le long couloir la ramena à la réalité. Parmi ce ils se trouvait Hager et à la pensée de son cousin son coeur s’emballa. Calidora ne contrôlait tout simplement plus rien, c’était un sentiment bien plus fort qu’elle, qui l’écrasait un peu plus de jour en jour. Précipitamment elle dissimula la fiole de poison dans sa robe alors que les pas de sa mère approchant de sa chambre se faisant de plus en plus pressants.  La seconde suivante son regard vide quitta la prunelle de ses yeux pour laisser place au regard fourbe et malicieux dont elle avait habitué tout son entourage. “Hager sera là aujourd’hui et j’aimerai bien que pour cette fois vous passiez un peu plus de temps ensemble tous les deux.” Oh ça elle le savait qu’il serait là, sa mère n’avait pas besoin de s’en inquiéter. En revanche il lui serait bien plus ardu de trouver un moyen d’expliquer que c’était Hager lui même qui refusait de s’isoler avec la jeune brune.  Pour son plus grand malheur. Toute la famille Nott avait pourtant remarqué l’attirance de Calidora pour son prodigieux cousin. Mais ce dernier ne semblait pas prêt de céder aux pressions et exigences familiales. Silencieuse, sa mère quitta la pièce aussi rapidement qu’elle y était entrée. Ça la rendait toujours un peu nerveuse de recevoir du monde au manoir, principalement lorsqu’il s’agissait du restant de la famille Nott. Et c’était maintenant devenu presque une tradition de recevoir toute une semaine divers oncles et tantes durant les vacances. Pour Calidora ce genre de vacances se transformaient rapidement en cauchemar éveillé parce que même au sein de sa propre maison elle devait redoubler d’efforts pour ne pas que son masque ne tombe. Mais lorsque c’était au tour de Hager et ses parents de venir séjourner, l’idée prenait une autre tournure.  

Moins d’une heure plus tard, sa mère avait vu juste, l’oncle et la tante de Calidora firent leur entrée dans le manoir, devancé comme toujours par leur fils, Hager. Ce dernier, avant de décrocher un rapide bonjour, ne tarda pas à demander à sa tante où se trouvait sa jeune cousine. “Au premier étage, dans sa chambre. Je crois que tu connais déjà le chemin.”.  C’était malsain, pourtant aucun des deux n’avait la même idée derrière la tête. Alors que la mère de la Calidora n'espérait que l’union de ces deux jeunes gens, Hager lui ne comptait que récupérer ce qu’il avait demandé. D’un pas pressant il arriva jusqu’à la chambre de sa cousine et passa par le pas de la porte sans même prendre la peine de se signaler. “Calidora, quel plaisir de te revoir chère cousine.” Ces mots figèrent la jeune femme instantanément alors qu’un frisson parcourait toute son échine. La pensée de la fiole toujours présente dans une des poches de sa robe la terrorisa, imaginant alors la réaction de son cousin s’il découvrait ce qu’elle comptait faire. Ou du moins l’idée qu’elle avait eu pour échapper à son emprise. Avec un sourire à peine forcé, Calidora se retourna pour lui faire face. “Hager.” se contenta-t-elle. “Alors comment ça se passe ? Tu as réussi à trouver celui qui rôde autour des cachots ?” Le regard de la jeune femme s’assombri un instant. Elle avait eu l’espoir qu’il soit venu pour autre chose, pour elle, savoir comment elle allait. Mais non, une fois de plus ce n’était pas ça qui l'intéressait. C’est derniers temps tout ce qui semblait lui importer c’était ce petit curieux qui venait mettre son nez près des cachots de serpentard et dont Hager voulait connaître les intentions. Alors il l’avait mise sur le coup, connaissant l'habilitée de sa cousine lorsqu’il s’agissait de mentir et tromper l’autre. “Pas encore. Mais en même temps…” Sa voix se noya sans jamais finir sa phrase. “Quoi mais ? C’est pourtant pas si compliqué ce que je te demande ! Il me faut juste un nom Calidora, un nom.” Elle n’avait pas envie de voir ça. Elle ne voulait pas voir l’homme qu’elle aimait hausser le ton contre elle comme si elle n’était qu’une vulgaire gamine. Et à mesure qu’il se rapprochait d’elle, Calidora sentait que se réveillait en lui l’être qu’elle abhorrait. “On va faire un marché, tu veux bien ? Tu vas me trouver le nom de ce type et en échange ton petit secret ne sera pas révélé. Et dès que j’aurai besoin de toi tu seras là, à mes côtés. On est bien clair là dessus ? Tu n’as pas tellement envie que tout Poudlard apprenne comment tu es tombée irrémédiablement amoureuse de ton propre cousin…” Un affreux sourire déchirait son si parfait visage. Et bien qu’elle aurait aimé le frapper à cet instant même, Calidora, docile comme elle était, baissa les yeux tout en acquiesçant. “Parfait. Maintenant viens avec moi, on nous attend en bas.” Hager lui tendit son bras, redevenant subitement l’homme pour lequel son faible coeur avait cédé. Alors qu’ils descendaient ensembles les marches, Calidora remarqua à quel point cette réception comptait pour sa mère, au vu du nombre d’invités. Et alors qu’ils parcouraient ensemble le salon pour accueillir chaque personne, sa main moite, effet causé par la présence d’Hager près d’elle, tripotait la fiole qui se trouvait encore au fond de sa poche. Quel effet dramatique cela ferait si elle décidait soudainement de boire tout son contenu devant la petite foule qui se pressait dans le salon du manoir. “Tu vaux plus que ça. T’es plus forte que ça.” pensa-t-elle tout en relâchant l’emprise de ses doigts sur la fiole. Et puis soudain lui revint en mémoire l'été 1937. La première fois qu'elle et Hager s'étaient officiellement rencontrés, en ce lieu précis.


flash back + 16 ans. C’était il y a maintenant 6 ans de cela. Hager et Calidora s’étaient déjà croisés à plusieurs reprises lors d’immense repas de famille lorsqu'ils étaient encore enfants sans jamais pour autant s’adresser la parole ni même se reconnaître. Mais cette fois, sans aucune raison, tout bascula pour Calidora. A chaque conversation, le même prénom revenait, celui du prodigieux Nott qui faisait à nouveau resplendir la famille d’un éclat d’intelligence qu’on regrettait de ne retrouver que dans l’inceste qu’ils perpétuaient. Hager savait faire parler de lui et faire son effet. Et si la jeune femme de ce jour funeste avait su ce qui allait se passer par la suite en tombant amoureuse de son propre cousin, elle aurait très probablement fuit la cérémonie pour ne pas avoir à croiser le regard de celui qui la condamna. Pourtant la curiosité piqua la jeune adolescente qu’elle était en entendant si souvent parler de ce mystérieux Hager. Et contre toutes attentes, ignorait encore qu’il était son cousin direct. Calidora se faufila entre deux larges dames qui lui barraient malencontreusement la route pour venir se rajouter à une conversation en cours dans laquelle elle avait à la dérobé entendu le prénom au centre de toutes les attentions.”... Ce jeune homme fera très certainement des ravages auprès de la gentes féminine, c’est moi qui vous le dit.” Entre deux rires et une gorgée d’un liquide non identifié par la belle, les femmes se retournèrent alors en direction de l’entrée du salon. “Tenez le voilà. Quelle prestance pour son âge !” Se hissant sur la pointe des pieds, Calidora tenta à son tour d'apercevoir Hager qui venait de faire son entrée, plus que remarquée, dans la marée humaine qui avait pris d’assaut le salon du manoir Nott. A la vue du jeune homme, un faible éclat, pourtant bien présent, s’illumina dans le regard de l’adolescente. Elle n’aurait été capable de décrire tout ce qu’il dégageait sans pour autant ne dire un mot. Et instantanément elle avait envie de le connaître, d’en savoir plus sur lui, sur l’être qui se cachait derrière cette ténébreuse beauté. Le veux de Calidora allait être exaucé bien plus rapidement qu’elle ne l’espérait... Une main délicate se posa sur son épaule, la faisant légèrement sursauter et elle perdit de vue le jeune homme qui se mêla à la foule. “Cali ma belle, il y a quelqu’un que je voudrai te présenter.” Rien n’était innocent dans cette famille. Le plus banal des mots recelait une vérité bien moins resplendissante. Et en cet instant même, la mère de Calidora savait parfaitement ce qu’elle s’apprêtait à faire. Présenter deux jeunes gens issus de la même famille dans l’espoir qu’ils puissent un jour donner naissance à des enfants dont le sang serait aussi pur que le leur. Oh bien sur ça n’allait pas se faire tout de suite, sa mère le savait. Il avait déjà fallut du temps pour faire comprendre à la petite brune à quel point il était important de conserver le sang de leur famille, elle ne s’attendait pas à ce que Calidora accepte sur le champs de se laisser marier à son cousin à peine rencontré. Mais pourtant elle ignorait à quel point sa fille avait retenu la leçon. Suivant sa mère au travers de la foule, Calidora trépignait que sa mère la relâche afin qu’elle puisse tenter à nouveau de poser son regard sur le bel inconnu répondant au prénom d’Hager. Mais en réalité elle avait été devancée par sa propre mère, ignorant les réelles intentions de cette dernière. Elles s’arrêtèrent devant un couple avoisinant la quarantaine et tout près duquel se trouvait… “Hager je te présente Calidora. Ma fille. Ta cousine.” Ces derniers mots résonnèrent violemment dans la tête de cette dernière. Cousine… C’était à la fois écoeurant et réconfortant. Ces deux mots basculèrent instantanément la jeune fille dans une tempête de questions aussi insolubles que repoussantes. Ça avait un arrière goût de mariage arrangé, alors que pour autant, aucune promesse de cet ordre n’avait été faite. Malgré tout, elle le sentait. Calidora sentait que cette rencontre n’était pas totalement innocente. Et finalement, ça ne la dérangeait peut être pas tant que ça. D’une certaine manière elle se savait déjà vouée à épouser un membre de son sang. Après des années, l’idée était enfin venue s’enraciner dans sa tête, et à cet instant même elle n’aurait rien fait pour la déterrer.  



septembre 1943 + 22 ans. La chambre des secrets avait été ouverte. On murmurait dans tous les recoins du château, chacun y allant de sa théorie. A certains endroit c’était le prénom d’Hagrid qui revenait. Les plus crédules croyaient à sa culpabilité. D’autres ne faisaient que répandre la rumeur parce qu’ils connaissaient parfaitement le véritable auteur de cet acte. Tom Jedusor. Hager avait refusé de lui révéler s’il était bien celui qui avait causé la mort de Mimi, ce qui n’avait fait que renforcer les soupçons de Calidora. Mais pour autant rien n’avait changé depuis des mois. Elle continuait de manipuler les plus faibles de ceux qui croyaient en la culpabilité ou la dangerosité de Tom pour livrer ses quelques informations à Hager, lui-même en lien avec Tom. Faire patte blanche s’était avéré plus simple qu’elle ne l’aurait pensé. Comment pouvaient-ils tous être si naïfs… ? Elle ne portait pas d’autre nom que celui de Nott, une famille dont il faudrait jamais avoir confiance. Mais par amour pour son cousin, et aussi par peur qu’il ne révèle au grand jour cet amour incestueux, Calidora s’en était tenue au marché qu’ils avaient passé il y a de cela quelques mois. De jour en jour, son masque s’était teinté d’une couleur plus douce grâce à laquelle elle avait pu habilement se faufiler entre les rangs de ceux qui ne supportaient pas Jedusor. Mais ce rôle qu’elle s’imposait elle ne le supportait plus elle-même. Tout comme l’amour qu’elle vouait à Hager. En désaccord avec les idées de Jedusor, Calidora n’osait pourtant toujours pas se rebeller face à son cousin, connaissant parfaitement la destinée funeste qui lui était réservée si jamais elle faisait honte à sa famille. Fusant à travers les couloirs, une pile de parchemins entre les bras, la jeune femme cherchait avidement du regard la jeune gryffondor qui lui servait de source primaire. Si naïve qu’elle avait réellement cru que Calidora avait de l’affection pour elle et était prête à lui raconter tout ce qu’elle entendait aux détours des couloirs et dans la salle commune des lions. “Lulla enfin te voilà, ça fait des heures que je te cherche. Tiens c’est ce que j’ai trouvé sur la chambre des secrets.” Rien de bien nouveau à l’horizon, Cali savait que ce qui était inscrit sur les parchemins n’était pas d’une importance capitale. Elle avait pris soins de bien filtrer les informations qu’elle recopiait avant de les fournir à la jeune Lulla, persuadée que son aînée l’aidait véritablement. “J’te propose qu’on aille se boire un petit thé en même temps qu’on discute de… tout ça.” Calidora baissa légèrement le ton comme pour donner l’impression que le secret devait être gardé. Mais c’était bien tout le château qui s’était affolé à l’ouverture de la chambre et elles n’étaient pas les seules à mener leur petite enquête dessus. Bien que celle de Lulla était en permanence faussée par sa camarade. Alors qu’elles quittaient le hall de l’école, Calidora fit taire la petite voix dans sa tête lui dictant à quel point tout ceci n’en valait pas la peine et qu’elle pouvait toujours devenir quelqu’un de meilleur, tentant d’ignorer l'innocence qui sommeillait en elle.