« Brown-Saddler, encore. » Le professeur en face d’eux ne savait pas sur lequel des deux posé son regard. C’était à peine si on savait lequel était Brown et lequel était Saddler dans ce duo explosif. Ils s’étaient rencontrés dans la salle commune des poufsouffle, dès leur arrivée à Poudlard et le courant était passé à la perfection entre eux deux, si bien que chaque année qui passait, ils semblaient un peu plus inséparables. Toujours à côtés en cours, ils passaient la plupart de leur temps ensemble, si bien qu’ils étaient devenus indissociables l’un de l’autre, pour leurs camarades mais aussi pour leurs professeurs. Ils s’étaient bien trouvés c’était certains. « On peut savoir ce que vous faisiez dans les couloirs après le couvre-feu ? » Bellamy haussa légèrement les épaules, ça ne semblait pas bien compliqué à ses yeux. Ils étaient juste allé faire un tour, le château était encore plein de mystère et les journées n’étaient pas assez longues pour tous les percer, alors il fallait mettre la nuit à profit. Et puis, après leur petit tour, ils seraient allés dans les cuisines, non loin de leur salle commune ; la soirée parfaite quoi. « On s’est perdus dans les couloirs. » Un mensonge bien évidemment, leur escapade était délibérée, comme toutes les autres, comme toutes les choses qui faisaient qu’ils avaient eu le droit à une heure de retenue jusqu’à présent, et des heures de retenus, ils en avaient déjà beaucoup à leur compteur. « Après le diner et depuis, on essaie de retrouver notre chemin. » Le professeur arqua un sourcil, on pouvait aisément voir qu’il ne croyait pas un mot de ce qu’ils étaient en train de raconter. « Vous êtes en sixième année et vous êtes incapables de retrouver votre chemin de la grande salle jusqu’à votre salle commune ? » Évidemment, l’excuse aurait été plus valable s’ils avaient été en première année, encore que, le chemin entre la salle commune de poufsouffle et la grande salle n’était pas extrêmement compliqué. « Les escaliers sont fourbes. » Ils avaient tendance à bouger dès qu’on grimpait sur une marche, évidemment que c’était fourbe. « Ils nous ont emmenés dans un couloirs et on pensait pouvoir redescendre en faisant le tour, mais on n’était jamais allé dans cette partie du château, alors on a exploré un peu et on s’est perdus. » Un soupire passa les lèvres de leur interlocuteur avant qu’il ne lève légèrement les yeux au ciel. « Bien. J’ose espérer que vous ne vous perdrez pas demain soir pour rejoindre mon bureau après le dîner, sinon votre heure de retenue sera doublée. » Un léger sourire passa les lèvres de Bellamy avant qu’il n’acquiesce à la réplique de leur professeur. « Aucun soucis, on sera là, à l’heure. » En face d’eux, l’homme avait l’air complètement désespérés, ils étaient de bon élèves, les résultats n’étaient pas un problème, on ne pouvait pas non plus dire qu’ils avaient un sérieux problème de discipline, ce n’était pas ceux qu’on retrouvait dans les disputes. Ils étaient juste, trop curieux, trop insouciants sans doute. « Comme d’habitude. » Il aurait peut-être mieux fait de garder cette réflexion pour lui, mais qu’importait, le professeur n’y fit même pas attention. » Retournez dans votre dortoir maintenant et ne vous perdez pas, sinon j’irais moi-même vous perdre dans la forêt interdite. » Dans une synchronisation parfaite, les deux adolescents hochèrent la tête avant de quitter le bureau de leur directeur de maison et de filer tout droit dans la salle commune des poufsouffles, une soirée normale dans la vie des deux jeunes gens.

« Il faut que je te dise quelque chose. » Le regard du sorcier lâcha son dessert des yeux, laissant alors retomber sa cuillère au fond de son assiette avant de relever les yeux vers son interlocutrice, attentif à ce qu’elle pouvait avoir à lui dire. En vue de l’expression dessinée sur son visage, ça avait l’air sérieux et très important. Il la connaissait suffisamment bien pour savoir déchiffrer les expressions sur son visage. « Qu’est-ce qu’il y a ? » Sallie était sa meilleure amie, ils s’étaient rencontrés dans les couloirs de Poudlard et ils ne s’étaient jamais rien cachés. Presque rien. Il avait toujours pris soin d’éviter de lui révéler ses sentiments de peur, persuadé qu’elle ne le voyait que comme son meilleur ami et donc que les choses étaient mieux comme ça. Sinon, il n’y avait pas de secrets entre eux. « J’ai rencontré quelqu’un, un moldu, j’aurais dû t’en parler plus tôt, mais c’est compliqué. On est fiancés. » Pendant l’espace de quelques secondes, Bellamy sembla se paralyser, elle était fiancée et il n’avait jamais rencontré ce type ? Sans doute que ça n’avait pas d’importance, il voulait juste qu’elle soit heureuse et si elle l’était avec lui, il s’efforcerait de l’être aussi. « Fiancés … » Il répéta le mot comme un imbécile, bizarrement, il avait l’impression que son monde était en train de s’effondrer. Il savait qu’il devait être heureux pour elle. Mais il avait également l’impression de la perdre un peu. Elle allait se marier, construire sa vie avec un autre type et lui qu’est-ce qu’il aurait ? Pas grand-chose. Il allait se retrouver seul, pitoyable, probablement avec sa bouteille d’alcool sous le bras. « Oui, fiancés et ce n’est pas tout. » Qu’est-ce qu’elle avait de plus à lui annoncer ? Il regarda son verre de whisky-pur-feu quasiment plein et se décida à en avaler une longue gorgée avant d’écouter la suite de ce qu’elle pouvait avoir à lui dire. « On va avoir un bébé. » Il manqua de s’étrangler avec sa boisson. Posant son verre sur la table il commença à tousser nerveusement. Fiancée, maman ? Il manquait plus qu’elle décide de partir vivre à l’autre bout du monde et là il saurait qu’ils étaient complètement fichus, qu’il allait la perdre. « C’est … Formidable. » C’était à peine s’il le pensait et en vu du froncement de sourcils de sa vis-à-vis, il comprit qu’elle avait quelques doutes sur sa sincérité, elle le connaissait aussi bien qu’il la connaissait, alors, s’il était capable de déchiffrer ses expressions, elle pouvait en faire tout autant. « C’est formidable, mais inattendu, laisse moi quelques minutes pour avaler tout ça. » Il lui faudrait plus que quelques minutes c’était certain. Il lui faudrait encore quelques verres, ce serait plus efficace que du temps sans doute. Il savait qu’il devait trouver la force de se réjouir pour son amie, elle le méritait et en tant que meilleur ami, il était de son devoir de la soutenir de son mieux. « Quand est-ce que je rencontre ce mystérieux fiancé ? » Il fallait bien qu’il le rencontre un jour ce type, à moins que Sallie ait vraiment décidé de mettre Bellamy sur le banc de touche, il faudrait qu’ils se croisent un jour. Il vit la rouquine baisser les yeux vers son assiette pendant quelques secondes avant de les relever vers lui, les lèvres légèrement pincées. « C’est compliqué, c’est un militaire, il vient de partir en mission, je ne sais pas vraiment quand il reviendra. » C’était un moldu et dans le monde des moldus, les choses étaient compliquées, la guerre avait fait rage quelques années plus tôt, sans doute qu’il y avait encore un tas de choses à régler.  « Okay. Je suis content pour toi, vraiment. J’espère qu’il rentrera bientôt. Tu sais que je ne peux pas te laisser épouser n’importe qui. » S’il avait mis de l’humour dans ses propos, il les pensait vraiment. Elle était sa meilleure amie, alors c’était vrai, il ne pouvait pas la laisser épouser n’importe qui, il devait la protéger, être sûr que ce type soit à la hauteur de la personne qu’elle était et sans doute devrait-il essayer de l’apprécier, parce qu’il le fallait, pour le bonheur de Sallie, même si ça devait lui briser le cœur à lui.

« Il dit tout le temps que tu as tué maman. » Un verre de whisky à la main, Bellamy leva les yeux au ciel. C’était complètement absurde comme accusation. Venant de son beau-frère ça n’avait pas la moindre valeur, mais venant de sa fille, c’était différent. Liadan était la seule chose qu’il avait parfaitement réussie dans sa vie. Quand il avait tenu l’enfant dans ses bras pour la première fois, c’était toute sa vision du monde qui avait changé. Il n’était avec sa mère que pour s’assurer de ne pas être complètement seul, il lui avait demandé sa main précipitamment, alors qu’il avait l’impression que tout s’effondrait autour de lui et cet enfant avait tout changé. En la regardant, il n’avait plus l’impression d’avoir déjà perdu tout ce à quoi il tenait, non, il y avait Liadan. Sans doute que ça ne l’avait pas aidé à aimer sa mère comme il l’aurait dû. Leur mariage n’avait jamais rien eu de solide, il s’était joué de ses sentiments, il s’était joué d’elle. C’était injuste et digne des pires connards de la terre, mais au moment où elle était morte, il avait réalisé, qu’au milieu de toutes les femmes qu’il avait côtoyées avant comme pendant leur mariage, elle était la seule qui en vaille la peine. Elle n’avait jamais été celle vers qui il n’avait de cesse de se tourner. C’était Sallie, toujours Sallie, son cœur était prisonnier entre ses mains et elle n’en avait absolument pas conscience. Mais malgré l’amour qu’il éprouvait pour sa meilleure amie, il avait quand même eu des sentiments pour son épouse. Il lui avait brisé le cœur comme un sauvage en prenant des maitresses dès qu’il en avait l’occasion, mais il ne l’avait pas tuée. « Ce type n’a pas toute sa tête Lia. Il boit tellement qu’il a déjà perdu la moitié de ses neurones. » Son beau-frère avait sombré dans l’alcool quelques années plus tôt, il avait déjà la bouteille facile avant la mort de sa sœur, mais depuis, il n’arrivait pas à décroché. « Je me souviens, elle était triste. » Et puis ? Elle était tombée malade, elle avait raison d’être triste, mais il avait été là pour la soutenir, jusqu’au bout. Elle n’était pas morte de tristesse parce que son époux la trompait, elle était tombée malade. « Personne ne meurt de tristesse. La maladie l’a tuée. » Il n’était pas un mari exemplaire, mais il ne l’avait pas tuée, il refusait qu’on l’accuse d’avoir tué son épouse. Personne n’écoutait son beau-frère et Liadan devrait certainement en faire autant, il n’en valait pas la peine. « J’étais trop jeune pour comprendre, mais ça parait évident aujourd’hui. » Il ferma les paupières un court instant, tout en soupira. Qu’est-ce que son oncle avait bien pu lui raconter ? Qu’il était infidèle et que ça avait tué sa femme ? C’était stupide et Liadan n’avait pas à être au courant des aventures de son père. « Tu accordes trop d’importances aux paroles d’un alcoolique. » Il fallait qu’elle laisse tomber cette affaire, elle ne faisait que remuer un couteau dans la plaie et s’il se fichait du mal que ça pouvait lui faire à lui – après tout il n’avait pas le droit de s’en plaindre – il n’était pas indifférant à ce qu’elle se faisait subir à elle-même. Laisser le passé derrière soi était parfois la meilleure chose à faire. « Mais il a raison non ? Tes absences, tes retards … tu la trompais. » Un nouveau soupire s’échappa de ses lèvres. Qu’est-ce qu’il pouvait répondre à ça ? Mentir comme s’il avait eu une gamine en face de lui ? Elle était grande et loin d’être stupide. « J’ai fais des erreurs, on en fait tous. » La jeune femme leva les yeux au ciel, évidemment, son excuse n’était pas la meilleure du monde, mais au moins, il ne niait pas les faits, à quoi bon ? C’était trop tard pour changer les choses de toute façon. « Tu lui as brisé le cœur. » Oui, il en avait bien conscience, toujours était-il que l’admettre ne permettait pas de changer le passé. « Mais je ne l’ai pas tuée. » Il était un connard peut-être, mais certainement pas un assassin. « Elle méritait mieux. » Bien-sûr qu’elle méritait mieux. La jeune femme se leva de la chaise sur laquelle elle était assise avant de s’avancer vers la sortie du bureau « T’es qu’un pauvre type. » Sans rien ajouter, elle claqua la porte pour mettre un terme à cette discussion et à toutes celles qui pourraient suivre.