vie déchirée.
« Tu veux jouer à quoi, Ryn? » La voix fluette s'éleva dans les airs, s'adressant à une gamine aux côtés d'elle. Identiques, les deux petites s'amusaient à l'extérieur. Elles n'avaient que leurs vêtements pour les différencier, et l'air espiègle traînant sur le visage d'Eryn, la sœur jumelle de Joleen. Pour s'amuser et amuser les autres, Leen aimait bien appeler sa soeur Ryry ou Ryn. C'était l'équivalent d'un surnom affectueux, et la petite fille savait que parfois, cela fâchait les gens, d'entendre leurs noms être prononcés d'une mauvaise façon. Mais Eryn, elle, en rigolait et depuis, c'était resté. Cette dernière lui lança un petit regard que la plus sage des deux connaissait trop bien. Une lueur de compréhension régna dans les yeux bruns de Joleen, tandis qu'Eryn l'entraînait faire les 400 coups. Ensemble, elles ont tout fait. Depuis leur naissance, elles sont soudées comme les doigts de la main, malgré les différences qui les séparent, parfois. Comme les capacités de Joleen en ce qui concerne les études, l'écriture et le dessin. En général, ce qu'elle entreprend, elle le réussit. Mais elle a toujours poussé sa soeur un maximum, à l'encourager, refusant de la laisser derrière sans rien faire. Il était hors de question qu'elles soient séparées, surtout après les tragédies qui frappèrent leur famille, plus tard.

Cela lui rappelle de bien malheureux événements, aussi. Bien que la rencontre de ses parents et leur idylle fut parfaite, comblée avec trois beaux enfants sorciers, en santé et parfaitement heureux, cette dernière fut brisée lorsque monsieur Rosenbach fut déclaré mort et que Rose fut déclarée inapte à prendre soin de son fils, Eydan, le plus jeune des enfants Rosenbach.  Ce dernier était né dans les temps où  les filles ne reçoivent la lettre tant attendue : celle qui les mèneraient à devenir de puissantes sorcières. De suite, dès la naissance, Joleen s'attacha à ce petit être sans défense, ce petit bébé qui ne demandait qu'amour et affection de la part de ses proches, ainsi qu'une aussi belle éducation qu'elles avaient toutes les deux reçues. Le bébé fut un espoir pour les parents, attristés de voir leurs deux filles partir si rapidement, si tôt pour la grande école de Sorcellerie. Néanmoins, ils les savaient brillantes. Ils savaient qu'elles réussiraient avec brio leurs études, mais là n'était pas ce qui les inquiétaient. Avoir un bébé à la maison, avec eux, leur assuraient une relève certaine. Il s'agissait aussi un comblement au manque que produisait l'absence de leurs aînées, qui pénétraient dans le monde magique, prêtes pour partir à l'aventure.

Et frappa la tragédie sur Londres. La guerre de la Grande-Bretagne faisait rage et le bombardement de quarante-et-un fut la cause de la mort de leur père, ce qui eut l'effet d'une secousse sur toute la famille. À un point tel que Leen hurla, lorsqu'on lui annonça la nouvelle. Elle tomba à genoux sur le sol, et pleura de longues minutes. Très, extrêmement longues. À chaque soir, à chaque matin, elle ne pouvait s'empêcher d'hurler à la mort, qui avait emprisonné son père bien trop tôt. Les trois enfants, qui avaient tissés des liens indestructibles malgré leurs caractères bien différents, furent séparés encore une fois. L'imperfection qui régnait chez les Rosenbach se fit voir à nouveau, lorsque la mère de Joleen et Eryn, nommée Rose, sombra dans une dépression de laquelle elle n'arriva pas à sortir. L'alcool fut son seul réconfort, malgré les nombreux essais des jumelles pour la réconforter. Pour l'aider, durant les vacances, elles prenaient soin de l'enfant, Eydan, qui était encore très jeune. Trop jeune pour être séparé de sa mère, et de ses soeurs. Mais c'est évidemment ce qui arriva. Rien ne put empêcher les horribles personnes qui retirèrent Eydan à leur mère, mais Leen comprit plus tard qu'il s'agissait d'une nécessité. Leur mère était inapte à s'occuper d'elle-même, alors imaginez ce pauvre enfant qui avait besoin de bien plus qu'une bouteille d'alcool, qui semblait être le seul réconfort de leur génitrice, ce qui avait attristé les jumelles, mais elles n'y pouvaient rien. Elles qui avaient réussies à surmonter la terrible tragédie. Elles qui étudiaient loin de la maison, et, qui, malgré tout, pensaient sans cesse à leur petit frère, placé trop tôt en famille d'accueil. Ceci déchira une nouvelle fois le coeur de Joleen, et la brune se rendit compte à quel point sa vie familiale était déchirée, sans possibilité de guérison.
Et, à chaque fois qu'on ose prononcer le nom de Chris Rosenbach ou d'Eydan Rosenbach, le coeur de la jeune femme se brise encore une fois, et ce, à l'infini. La douleur qui la tenaille quotidiennement est indescriptible. L'insomnie la gagne de jour en jour, mais elle se réconforte auprès de sa soeur et auprès de ses études, qui sont devenues une partie majeure de sa vie.

sorcellerie et boule de gomme.

« Je ne trouve plus mon bouquin, bordel! » Les mots étaient sortis de sa bouche avec une férocité que l'on ne voyait pas souvent, chez elle. S'il y avait quelque chose de précieux à ses yeux, c'était Eryn, ses études, et surtout, ses fichus bouquins. Elle les payait chers, oui, mais là n'était pas la question. L'argent n'avait jamais été un souci pour la famille Rosenbach. C'était plus l'affection et l'amour qu'elle rattachait à toutes ces connaissances enfouies et écrites noir sur blanc. « Jo, calmes-toi, tu l'as sûrement égaré ou oubl-- » commença l'une de ses amies, dans la pièce commune aux Serdaigle. Cette dernière se tut immédiatement lorsqu'elle aperçu le regard noir que lui lança la brune, et qui continua ses recherches. Plus tard, elle trouva le livre dans le lit d'une des filles de la maison, qui disait l'avoir emprunté pour les notes que Leen y inscrivait. « Tu te fous de ma gueule? » La hargne qui régnait dans sa voix se fit entendre dans toute la salle commune. Les personnes se retournèrent, tandis que certaines partirent du dortoir pour plus de tranquillité. La plupart des gens connaissaient les jumelles Rosenbach et ces dernières étaient connues pour être bouillantes, lorsqu'elles étaient en colère. « Personne ne pose ses sales pattes sur mes bouquins, t'as compris, miss-j'emprunte-sans-demander-la-permission? » La demoiselle en question baissa la tête devant Joleen, qui était furieuse. Elle manipula son livre pour s'assurer que tout y était, et le soulagement fit place lorsqu'elle constata que rien n'avait été brisé. « Tu as de la chance, Evanna. » La tempête brune serra son livre contre elle, et retournas s'enfermer dans sa chambre pour faire ses devoirs. Ce livre était nécessaire à la dissertation qu'elle composait pour son cours de Défense contre les Forces du Mal, et toutes ses notes y étaient. La timidité n'avait plus lieu d'être lorsqu'on s'en prenait ses précieux.

peur, frissons, insomnie.
« J'ai entendu dire que Tom Jedusor... » Les deux derniers mots la firent sursauter. Alors qu'elle étudiait calmement à la bibliothèque de Poudlard, deux filles étaient en train de discuter à l'une des tables. Son ouïe sensible capta les mots très clairement et elle ne sut quoi en penser. Que pouvait-elle bien entendre sur Jedusor? Énormément de choses, vraies comme fausses. Un fou comme un autre, sauf que lui, il effrayerait même les oiseaux. Il était un cauchemar sur pattes, et c'est pour ça qu'aussitôt, la jeune femme ferma son livre très bruyamment, pour faire passer le message. Elle usa de son regard sombre aussi, qu'elle dirigea vers les deux écervelées. Ces dernières continuèrent de glousser comme des petites filles. Du haut de ses dix-neuf ans, la jeune femme peinait ce genre de comportements, qu'elle trouvait enfantins. Elle rangea le tout dans son sac, et sortit telle une tempête de la bibliothèque, rageuse qu'elles aient osées aborder ce sujet si délicat en cette enceinte. Déjà qu'Hadrid avait été faussement accusé, tout ce qui abordait le sujet interdit rendait Joleen dingue. Elle en avait peur. Extrêmement, même, et fragile, elle ne s'en remettrait pas si elle devait lui faire face.

Une fois sortie de l'endroit d'étude, elle tourna un coin du couloir et se fit agripper violemment par le bras, lâchant son sac sur le coup de la surprise. Un jeune homme maintenait une emprise de fer sur elle, et malgré ses hurlements, qu'il couvrit d'une main rugueuse, et ses méthodes pour se tirer de cette situation, la jeune femme se débattit le plus longuement possible. Mais rapidement, elle devint épuisée. Le sourire pervers qui régnait sur le malsain visage du jeune garçon la répugnait depuis bien longtemps.  « Bartosz. » cracha-t-elle, tel un venin dont on ne veut que la disparition. Tout ce qu'elle voulait, c'était que quelqu'un se débarrasse de lui. L'infâme petit ami de sa soeur, qu'elle avait autrefois réussi à laisser tomber et pour on-ne-sait-quelle-raison, ils s'étaient remis ensemble, la harcelait depuis presque deux semaines maintenant. Il la fixait de son regard de serpent, qui l'effrayait réellement.  « Qu'est-ce que tu me veux, Bartosz? » Elle ne faisait même pas l'effort d'être sympathique. En sa compagnie, elle devenait vile, méchante, tellement elle portait une haine intarissable envers lui, sa personne et tout ce qu'il faisait. « Ta soeur, toi, votre argent... » La voix grave de l'être infâme qui la plaqua contre un mur. Les cris de Joleen alors qu'elle se débattait si fort qu'elle en arriva à s'épuiser elle-même. Son espoir qu'il soit bon, un jour, complètement détruit. Les mains de l'homme qui se baladaient sur son corps, et son corps tentant de repousser ces avances futiles et dégueulasses. Ces lèvres trop près des siennes, si près qu'elle sentait son souffle s'écraser contre la seule peau mise à nu, celle de son cou. Des dents serrées chez la jeune femme, un désir malsain chez le jeune homme. « Non.. » Une si belle supplication aux oreilles du garçon, qui referma davantage sa poigne contre la jeune femme. Néanmoins, il s'éloigna, une fois qu'elle se mit à pleurer. Et il savait, au fond de lui, qu'elle dirait tout à Eryn. Et il savait que maintenant, il avait un moyen de faire pression sur la jumelle de Leen.
Et cette dernière, se laissant glisser contre le mur désert, laissa entendre un petit bruit de désespoir, de tristesse et de déchirement. Encore une fois, elle était brisée.

le lien indestructible.

« Eryn... » souffla la jumelle, d'un air totalement décontenancé. Ses yeux étaient bouffis et son visage était rougit par les larmes qui avaient longuement coulé sur ses joues. La jeune femme fondit dans les bras de sa soeur, qui ne mit pas beaucoup de temps à comprendre la détresse de sa jumelle. Jamais elles n'avaient eu besoin de mots pour comprendre ce que l'autre ressentait, mais Leen ne s'était jamais autant sentie désespérée et dépassée par les événements. Durant de longues heures, elle ne dit rien à propos de ce qu'avait fait Bartosz. Elle se contenta de pleurer toutes les larmes de son corps, et elle n'entendit pas sa soeur quitter la pièce où elle était allée la raccompagner. De retour dans sa chambre, dans le dortoir des Serdaigle, Joleen s'était endormie, mais les cauchemars qui assaillirent sa pauvre nuit de sommeil l'empêchèrent de trouver un repos réparateur.

Le lendemain, elle rejoint sa soeur dans la Cour Extérieure après les cours, et elle avait littéralement l'air d'un zombie. « Je n'ai pas dormi, Eryn. » Ces seuls mots étaient inhabituels pour elle. Habituellement, elle arrivait à dormir en moyenne six à huit heures par nuit, dépendant de ses rêves. Mais cette fois-là, sa soeur la prit à nouveau dans ses bras, mais Joleen s'en éloigna, l'incompréhension passant dans son regard. « Pourquoi ne le quittes-tu pas? » Un soupir bref s'échappa des lèvres de sa soeur, mais elle comprit, sans même que cette dernière eut à parler. « Je suis désolée, c'est juste que... C'est trop, vois-tu? Je ne pense pas être capable d'en prendre plus... » Supporter à nouveau ces doigts malsains se balader sur son corps couvert par sa tenue écolière était plus difficile qu'on ne pouvait l'imaginer.

Cette journée-là, Joleen se sentit défaillir. Néanmoins, la tête haute, elle conservait les apparences. Sauf que la nuit, dans le dortoir des Serdaigle, on raconte qu'on peut l'entendre crier ou pleurer, tellement la souffrance ne la quitte jamais.