« Oh, tiens, salut, Lulcéria. » Mon épaule appuyée contre le mur de pierres, je toise l’adolescente qui farfouille frénétiquement dans son sac. Elle lève les yeux, bien que je sais pertinemment qu’elle a reconnu le son de ma voix, ce timbre qui l’agace tant, qui la hérisse perpétuellement, qu’elle se plaît à cataloguer de détestable. Un sourire narquois étire mes lippes, tandis qu’elle abandonne sa fouille au fond de son cartable. Elle me fixe quelques instants, comme si elle pensait gagner quelque chose en osant me regarder dans le blanc des yeux. Mais non. Manifestement, elle n’a toujours pas compris que le plus de temps elle m’accorde, le plus satisfait je deviens. Elle finit par grincer un « Prewett » entre ses dents, auquel je réponds par un plus large sourire.

J’ai commencé à l’appeler Lulcéria depuis notre rentrée de première année. Depuis que je n’ai su étouffer un rire moqueur lorsque son véritable prénom a été prononcé par le professeur en charge de la répartition. Je l’ai observée, elle et son allure timide, s’orienter vers le tabouret pour être répartie, suivant parfaitement la tradition de ses parents, à Serpentard. Je n’ai pas su la rompre non plus, étant un Prewett de plus arborant les couleurs de Godric Gryffondor, celui qui selon les rumeurs pourrait être un de mes aïeux. Nous ne pouvions être plus différent, Lulcéria et moi. Des maisons contraires, des personnalités divergentes, des aspirations incompatibles. Néanmoins, j’ai toujours pris un malin plaisir à passer de longs moments de ma vie à la pourchasser elle, la faire sortir de ses gonds, lui faire « perdre son temps ». Personne n’a jamais vraiment compris pourquoi je m’intéressais tant à cette adolescente, moi-même je la qualifiais de victime particulièrement distrayante pour combler les regards énigmatiques incités par nos constantes chamailleries. Mais il y avait bien plus entre nous. Il y avait cette aura qui persistait autour de la jeune Black, il y avait ce je-ne-sais quoi qui me poussait vers elle tel un véritable aimant. Je n’ai jamais su mettre des mots sur ce que je ressens à l’égard de Black. Autant nos échanges ne sont que néfastes et aucunement amicaux, autant je recherche sa compagnie et la désire à mes côtés.

C’est peut-être comme cela, qu’on a finit dans ce placard à balais. Provocations sur provocations, regards hautains, électricité continuelle, des remarques acerbes, des propos narquois, des défis puérils. Se penser invincible. Rien n’avait vraiment de sens, jusqu’à ce que mes lèvres étreignent les siennes et que les nuages de mon esprit aèrent enfin les sentiments de mon cœur. Un échange prompt, le plus rapide que nous ayons jamais eu, mais aussi le plus net, le plus explicatif, le plus sensé. Elle s’était évadée de mon emprise, et pour la première fois de ma vie, j’étais demeuré bouche-bée. Ignatius Prewett avait le sentiment d’halluciner. Lui qui créait l’impossible, lui qui imposait l’imprévisible, lui qui provoquait la folie. Celui qui avait toujours une longueur d’avance s’avérait finalement, dépassé par les événements.

Ca a toujours été mon secret, notre secret. Ce que j’éprouve pour Black. J’ai beau être quelqu’un qui s’assume entièrement, cet agissement en particulier a été passé à la trappe. Comme ma famille lorsqu’il est question de grandes familles de sang-pur. Mes sentiments sont aussi intenses que la magie comme la bravoure de ma famille, pourtant, je préfère garder cette puissance pour moi, la chérir au fond de mon être et la réserver qu’à celle, ou ceux, qui le méritent. Finalement, je comprenais enfin la discrétion absolue que les Prewett s’efforçaient à respecter. Pourquoi gaspiller ces éléments rares en les propageant et les partageant à quiconque ? Ce qui s’est déroulé dans ce placard à balais du rez-de-chaussée, juste sous l’escalier de marbre, semble emprisonné dans les murs étroits du lieu en question. Et de toute évidence, la vie devait reprendre son cours. Conserver cette assiduité aux deux clubs auxquels je faisais partie : celui des duels et de Quidditch. Travailler de manière toujours aussi sérieuse sur mon rêve, celui de construire le meilleur balai volant que l’on connaisse jusqu’à présent. Sélectionner mes cours pour obtenir des « Optimal » dans les matières que j’apprécie et des « Piètre » voire des « Troll » dans les autres sur lesquelles je ne daigne pas accorder la moindre minute de réflexion. Faire du monde autour de moi cette frénésie que j’aime inspirer par mon caractère exubérant. Articuler des propos méprisants et désapprobateurs à l’adresse de Tom Jedusor en compagnie de Minerva, et s'opposer toujours à son emprise grandissante par cette popularité vorace, tout en espérant déceler les secrets qui paraissent l'entourer. Reprendre le train-train habituel, jusqu’à la croiser à nouveau.