« Lève-toi, dépêche-toi ! C’est le moment où jamais d’enfin te faire une place et nous sortir de là !.. » - Felis était encore endormie, les cheveux en broussailles, enroulée dans ses couvertures tandis que sa mère, toute paniquée, était entrée en trombe dans sa chambre. Felis ouvrait péniblement ses yeux pendant que sa mère ouvrait grand les rideaux, laissant le soleil inonder sa chambre. Felis l’interrogeait d’une moue interrogatrice. Exaspérée, sa mère leva les yeux au ciel et persifla « Le père Malefoy et son fils sont en bas, arrange-toi et descend de suite si tu veux un jour un mari digne de ce nom ! »
Felis descendait les marches d’un pas mal assuré. Elle entendait, tout en bas, des voix graves s’entretenir d’une façon grave, presque secrète. Ses mains tremblaient, elle sentait la crainte l’envahir, jusqu’à prendre ses tripes. Une subite envie de vomir émergeait en elle, la faisait pincer plus encore ses lèvres. C’est alors qu’elle aperçut deux hommes, l’un avait une quarantaine d’années, l’autre était un enfant, deux ou trois ans son cadet. Ils étaient tous deux d’un blond très clair, presque surnaturel, et d'un teint cireux, blanchâtre comme un fantôme. Ils l’avaient entendu arriver et, d’une façon très noble, s’étaient tournés vers elle, la fixaient avec intensité et sévérité.
« C’est donc… ça ? » - le ton méprisant de Antheris Malefoy ne faisait aucun doute.  Face à lui, le père et la mère Evermonde peinaient à cacher la douleur du coup qu’ils venaient de recevoir. Il espérait que la beauté de Felis ferait la différence, qu’elle serait choisie. « Elle… Elle ne vous sied donc pas ? » - Bolem Evermonde avait presque supplié Antheris Malefoy. Puis lui, il était tout nécessaire qu’il choisisse sa fille pour épouser son enfant, celui qui, du haut de ses huit ans, était le gamin le plus convoité de toute la Grande-Bretagne magique. La famille Evermonde ne possédait plus le prestige que les bouquins d’histoire lui prêtaient autrefois. Famille sur le déclin, dont la pauvreté n’allait qu’en s’accentuant, elle vivait dorénavant sur les dernières faibles rentes encore actives à ce jour et avait dû vendre leur manoir historique pour lui préférer une sordide maison de campagne, toute crasse et ruinée. Pas même le frère de Bolem, Archer Evermonde – Ministre de la Magie, n’avait réussi à redorer le blason de leur famille. Felis était donc leur dernière chance, celle de lier leur famille à celle des Malefoy, toute puissante.
« Comment cette pauvre fille peut-elle me plaire ? La crasse l’envahit jusqu’à sous ses ongles. Je peux trouver mille moldus qui vivent mieux qu’elle, pauvre chose. Je parle de promettre à mon fils, pas à mon elfe de maison. » - Antheris toisa une dernière fois la gamine. Ses joues devenaient d’un rose intense. Elle se sentait faible, pas plus signifiante qu’un insecte. Finalement, Antheris fit volte-face et s’emmitoufla dans son épaisse cape de sorcier. « Je pensais que la noblesse de votre nom avait pu perdurer, je me suis leurré. Aussi, je vous souhaite le bonsoir. » Les quelques pas vers la porte d’entrée ne furent cependant pas suivi de ceux du fils, Lupus. « Lupus, nous partons ! » - grogna-t-il à son fils. Sans réponse, il se retourna, furieux de perdre plus encore son temps chez les Evermonde. Il observa alors un spectacle qui l’atterra : Lupus, le regard passionnément tourné vers Felis, cette pauvre fille.


Lupus entrait en première année. Antheris avait refusé de l’accompagner jusqu’au quai 9 ¾ , sachant pertinemment qu’il y retrouverait Bolem et Anthea Evermonde. Deux ans était passé depuis la rencontre de Lupus et Felis et ses positions n’avaient pas changées : il considérait cette union promise comme contre nature, sordide et animale. Mais sa femme, Cesere Malefoy, ne lui avait laissé d’autre choix que de l’accepter.

« Je consens à laisser la main de mon fils, Lupus, à votre… votre… fille. Felis. Ils se marieront, l’un à l’autre, au terme de la septième année d’études du cadet. J’en fais le serment » - Le fil doré qui lié les bras des deux hommes s’évanouit alors. Bolem Evermonde affichait un sourire conquis tandis que Antheris Malefoy semblait sonné, accusant le coup que sa propre femme l’avait forcé à se porter. A partir de ce jour, il fut prohibé de prononcer le nom d’Evermonde en la demeure Malefoy. Antheris, ne supportant plus la vue de son fils, s’enfermait à longueur de journée dans son cabinet capitonné. Personne ne devinait ce qu’il préparait à l’intérieur et les elfes refusaient de répondre aux questions pressantes de Cesere. Certains proches collaborateurs de Antheris laissaient supposer qu’il faisait des expérimentations dans le but de trouver le moyen de briser un serment inviolable. D’autres encore faisait comprendre qu’il ne faisait que lire des piles entières de parchemins vieux et moisis. En réalité, l’homme sombrait dans la solitude, l’incompréhension du monde qui l’entourait. Il ne pouvait concevoir que son fils unique puisse rejoindre les bras d’une fille d’aussi peu d’importance que Felis. Il espérait une belle et glorieuse descendance, il n’imaginait plus maintenant pouvoir porter le nom Malefoy sans essuyer des affronts et invectives, des railleries même.

Cesere a donc accompagné Lupus au quai 9 ¾ . Il grouillait déjà d’élèves et de parents. Il était difficile de déterminer lesquels étaient les plus hystériques. Cesere, elle, était plus digne que toutes réunies. Elle était une Malefoy et le faisait savoir. Son fils, aussi, se faisait remarquer dans la masse. Sage, calme et poli, il tenait simplement une petite mallette de cuir marron. Ses cheveux blonds étaient plaqués vers l’arrière de sa tête et ses chaussures cirées brillaient au soleil. Plus loin, Felis avait déjà revêtue sa robe de sorcière rapiécée et, à quelques endroits, rongée par les mites. Cesere accompagna son fils jusqu’à elle sans porter jugement sur l’allure de Felis. Elle décrocha même un sourire timide. Là-dessus, Felis et Lupus tombèrent dans les bras l’un de l’autre pour rejoindre le train main dans la main. Honteux petit couple.


Antheris n’aura jamais vu le mariage de son fils avec Felis. Cesere dira même que « il a préféré mourir plutôt que de voir ça ». Les noces furent somptueuses, pourtant. La famille Malefoy mit à contribution sa fortune et la mondanité magique avait été conviée. Archer Evermonde avait fait exception  à la règle, son frère Bolem refusant qu’il soit convié. Le Ministre était en bien mauvaise posture : il avait pompé jusqu’au dernier sous des Evermonde, laissant par l’occasion son frère et sa femme dans le besoin. Leur lignée était finie, quoiqu’il arrive. Felis, elle, était sauvée en devenant une Malefoy. Elle devait maintenant abandonner sa famille, ne plus jamais s’en préoccuper. Toute sa vie, depuis sa rencontre avec Lupus, n’a été qu’un long chemin pour arriver à cet abandon auquel elle a été préparée depuis son plus jeune âge.

« Un jour tu seras mariée avec un homme puissant et riche » lui répétait sans cesse sa mère Anthea. C’était un objectif de vie qu’elle avait imposé à Felis, sa seule arme de survie qu’elle avait su lui prodiguer. A son arrivée à Poudlard, forte de la promesse qu’elle soit mariée à Lupus Malefoy, Felis avait dû aussi apprendre à se comporter « en dame », comme disait sa mère. Elle devint au Château une véritable peste, petite vermine assoiffée de pouvoir et ambitieuse. Rapidement elle se forgea un groupe d’admiratrices desquelles elle était l’exemple. Ses piques et ses traits d’esprit était un met dont elles ne semblaient pouvoir se rassasier, au grand bonheur de Felis. Avec la popularité elle devint rapidement l’archétype même d’une Malefoy. Aux dix-sept ans de Lupus, l’abandon de sa famille ne fut alors qu’une formalité. Jamais elle ne répondit alors aux hiboux de sa mère lui demandant la charité. Certaines langues diront d’ailleurs que Felis laissa ses parents mourir de faim.


En haut de la colline, qui surplombe la ville et ses clochers, le Manoir Malefoy menaçait. Felis et Lupus s’y étaient établis depuis quelques années déjà, lorsque Cesere eut rendu son dernier souffle. Le couple avait su habilement prendre la suite de la lignée Malefoy.

Lupus s’avérait être un homme froid, ambitieux et arriviste. Plutôt talentueux, il avait su se faire connaitre dans un premier temps par ses talents d’orateur. Il arrivait à faire et défaire les Directeurs de Département selon ce qu’il disait d’eux. Il faisait figure de marionnettiste qui tirait effectivement les ficelles du monde politique. Sa femme, Felis, était d’une nature plus sauvage, plus franche. Moins calculatrice, elle était plus frontale et n’avait aucune gêne avec la violence. Nombre de ses elfes de maison souffraient de contusions atroces dont elle prenait plaisir à amplifier la douleur chaque fois que l’envie lui prenait. Aussi, les Malefoy avaient su asseoir plus encore le respect qui lui était porté dans la mondanité magique et ceci jusqu’aux plus anciennes familles de sang pure.

Les différentes tractations et alliances opérées par Lupus faisait se démultiplier la fortune que les Malefoy accumulaient à Gringott’s. Ils pouvaient se permettre de dépenser sans même avoir à compter, les déconnectant plus encore de la réalité du monde qui les entourait. Peu à peu, ils s’isolaient de plus en plus dans leur manoir, n’acceptant que peu de visiteurs, jusqu’à ce que leur personne devienne une légende. Des années durant, aucun sorcier ne pouvait prétendre les avoir aperçu.
Le manoir, que quelques curieux venaient observer, espérant apercevoir un Malefoy, semblait inhabité, désert. Peu à peu, les sorciers attendant devant les grilles se firent plus rares pour finalement qu’il n’y en ait plus un seul. La légende de la famille Malefoy disparue était maintenant connue de toute la Grande-Bretagne magique. Certains patriarches de familles de sang pure allaient même jusqu’à la conter à leurs descendants afin d’inculquer les erreurs qu’ils ne devaient pas reproduire.

L’hiver 1925 était d’une rigueur peu commune. Les villageois regardaient avec envie le manoir qui les surplombait. Les rumeurs disaient qu’ils étaient hantés, qu’on ne pouvait y pénétrer, que ses derniers propriétaires y périrent dans d’atroces souffrances. Mais, malgré ces rumeurs, ils étaient de plus en plus nombreux à envisager de s’y réfugier, de s’y protéger du froid en utilisant ses grandes cheminées. Nombre de villageois essayaient, chaque nuit, de forcer les grilles pour y accéder. En vain. Un soir de décembre, deux dizaines d’entre eux s’étaient réunis pour tenter une nouvelle fois leur chance. Cela faisait des dizaines d’années, maintenant, que personne n’avait habité le manoir. Ils estimaient qu’il leur appartenait maintenant d’investir les lieux. Chacun d’entre eux y mettaient toutes leurs forces. Les grilles demeuraient néanmoins immobiles. Les villageois essayaient alors de plus belle, sans jamais ressentir la lassitude de leur membre et le froid leur dévorer le visage. Mais, dans la nuit, le cri strident d’une femme se fit entendre. Un cri à glacer le sang qui fit stopper net l’entreprise des villageois. Pour sûr, le cri provenait du manoir. La pénombre se faisait trop épaisse pour qu’ils puissent tenter d’apercevoir quoique ce soit. Tandis que quelques-uns d’entre eux, inquiets, reculèrent de quelques pas, trois des immenses fenêtres du manoir s’éclairèrent d’une lueur violente. Les cheminées se remirent à cracher de la fumée en même temps que l’on pouvait deviner des ombres s’agiter à la lueur des lustres enfermés derrière les fenêtres. Enfin, quelques minutes plus tard, une nuée de corbeaux s’échappait du manoir portant dans leurs serres un message : « La famille Malefoy, en les personnes de Felis et Lupus, sont heureuses de vous partager la nouvelle de la naissance de leur fils – Abraxas Lupus Malefoy – en la nuit du 20 décembre 1925. »

Felis et Lupus avaient fait un retour spectaculaire dans le monde magique qu’ils avaient délaissé quelques dizaines d’années auparavant. En quelques heures de nombreux sorciers étaient venus à leur rencontre, dans le manoir qu’ils avaient tant fréquenté auparavant. Felis goûtait particulièrement au plaisir de retrouver des courtisans autour d’elle, de reprendre les reines qu’elle avait autrefois abandonnées. Lupus, lui, présentait Abraxas comme le successeur d’une dynastie royale, destiné à diriger un royaume. Les louanges, retrouvailles et autres minauderies ne cachaient pourtant que trop peu la surprise et la peur qu’inspirait ce retour aux sorciers de la mondanité qui avaient pris goût à leur absence. Felis et Lupus, quelques heures après leur retour, régnaient de nouveau sans partage sur ce petit monde qu’ils connaissaient tant.

Les elfes de maison, malgré leur nombre, étaient débordés. Felis et Lupus avaient complètement délaissé leur enfant pour remettre de l’ordre à leurs affaires. Ils avaient, pour cela, transplané jusqu’à Londres. Une semaine entière avait été nécessaire durant lesquelles Abraxas avait pu témoigner de toute sa brutalité sur les elfes de maison. Sans nul doute la tenait-il de Felis, dont la violence faisait partie de intégrante de sa réputation. Nouveau-né, ou presque, il possédait déjà une bonne poigne que les elfes n’osaient défaire. Ils n’avaient évidemment pas le droit de toucher « le maître ».
Abraxas s’habituait très vite à cela jusqu’à devenir un enfant exécrable, gâté au possible mais pourtant toujours en demande. Ses parents ne savaient lui interdire qu’une chose : ne jamais pénétrer le Village. A l’âge de six ans, Abraxas connaissait par cœur le manoir et son domaine. Il connaissait les taupinières pour avoir caché nombre de ses larcins ; il connaissait les briques détachées des murs pour les avoir écrasées sur les crânes des elfes de maison ; il avait devinait les passages secrets qu’il empruntait depuis pour se faire la malle et avait connaissance des arbres qu’il pouvait escalader sans danger. Aussi, Abraxas ne désirait plus qu’une chose : franchir les grilles du domaine, affronter les villageois et le reste du monde. Il était las de l’éducation ennuyeuse fournie par les elfes de maison et de la lecture des livres imposées par Lupus.

Il devait être autour des seize heures lorsque Abraxas enfila une cape de sorcier fourrée et fila jusqu’aux grilles. Comme à leur habitude, elles étaient closes, impossible à faire vriller sur leurs gonds. Abraxas essayait de les secouer, sans succès. Il sentait en lui la colère monter, la frustration aussi. Une idée lui vint alors en tête en même temps qu’un sourire qui s’étalait sur son visage. Faisant volte-face, il courait maintenant en direction du manoir pour fondre sur ses portes de bois massifs. Il se rua jusque dans le cabinet de son père, Lupus. Comme à son habitude, il avait fini par s’endormir sur ses parchemins qu’il étudiait. Il tenait dans sa main une plume dont la plume laissait perler de l’encre. A côté était posée sa baguette, d’une longueur inattendue. Le plus discrètement possible, pour ne pas réveiller son père, Abraxas s’en empara.

Un sourire furieux déformait désormais le visage d’Abraxas. Tout fier, avec toute la solennité dont il pouvait faire preuve, il tapote deux fois avec la baguette de son père les grilles qui s’ouvrirent alors. Abraxas, exalté, mis un pied dehors… puis dévala la colline pour rejoindre la ville.


Les Oubliators avaient dû venir en nombre. La situation était vite devenue incontrôlable, pour tous. D’un côté il y avait les Moldus affolés qui courraient dans tous les sens, tentant de se réfugier, de fuir un enfant de sept ans. Enfant de sept ans qui ne comprenait pas comment arrêter de jeter ces sortilèges qui blessaient et transformaient quiconque passait trop près de lui. De l’autre il y avait Felis qui hurlait à son fils « jette cette baguette au sol de suite ou je te jure que… » tout en étant aux prises avec des sorciers menaçants son enfant et les Oubliators qui tentaient de contenir les Moldus. La scène, chaotique, avait un aussi un aspect loufoque grâce à Abraxas qui ne cessait de courir dans les rues de la ville, multipliant ses victimes.
Quelques semaines plus tard Lupus avait été convoqué au Ministère de la Magie. Il avait, dans un premier temps, été surpris par l’audace qu’avait eu le Président-Sorcier du Magenmagot de le convoquer. Finalement il avait accepté de s’y rendre, autant pour éviter que sa femme n’y aille et cause plus de dégâts que pour rappeler aux bons souvenirs du Ministère le nom des Malefoy.

« Ne vous inquiétez pas, je vous excuse de votre erreur, voyons ! J’imagine bien que vos services sont débordés et qu’une erreur est vite arrivée. Cependant, j’espère que vous allez veiller personnellement à ce que l’on ne me fasse pas me déplacer inutilement de nouveau, n’est-ce pas ? » - Lupus parlait d’un ton inquisiteur. Face à lui le Directeur de la Justice Magique semblait se liquéfier. « Par chance, aujourd’hui, j’avais à converser avec le Ministre. Ca aurait pu être pire ! » La menace était à peine voilée. Tout souriant, Lupus quittait le bureau du Directeur pour rejoindre celui du Ministre de la Magie. Et c’était tout.


La jeune poigne d’Abraxas avait continué à grandir, ses envies d’aventures et de découvertes aussi. Bientôt Felis et Lupus prirent la suite de son éducation et lui inculquèrent les valeurs et les principes des Malefoy. Ils lui parlèrent de la pureté du sang, des Moldus et des sangs-de-bourbe, de ce qu’il faut être et comment le devenir.

« Tout Malefoy qui se prétend comme tel doit défendre son nom et sa place. Il existe trois règles fondamentales : ne jamais être en difficulté ; ne jamais se mettre dans des situations difficiles ; fuir avec élégance ».
Peu à peu, Abraxas devenait le joyau des Malefoy. Il était de toutes les soirées mondaines, de tous les rendez-vous et dans nombre de discussions. Il était la relève des Malefoy et devait se faire un nom et s’assurer que personne ne puisse lui contester la suite de ses parents. Rapidement Abraxas démontra un talent d’orateur, comme son père. Il maniait avec aisance les mots, se révélant excellent dans les flatteries. A mesure que son âge avançait, ses parents le forgeaient plus encore. Comme Felis avant lui, Abraxas devenait un autre homme, plus cupide, plus terre à terre, plus dur et calculateur. Un homme froid, hautain et solitaire, indépendant.


Le clapotis de la pluie berçait Abraxas, l’emmenait loin de ce manoir qu’il ne connaissait que trop bien. Le vent, lui, soufflait comme s’il était désespéré, comme s’il voulait empêcher le garçon de s’endormir. Hélas, ces efforts étaient vains et Abraxas sombrait.

Le soleil faisait briller chaque grain de blé. Le vent  faisait du champ une vague immobile, qui ondulait en étant ancrée au sol. Abraxas était au milieu des plantations, allongé à fixer le ciel et ses nuages. Pour une raison inconnue, il souriait à pleines dents. Il enfonçait ses doigts dans le sol humide, sentait l’odeur et la texture de la terre. Il sentait sous sa nuque des vers de terre le caresser en se frayant un chemin. L’odeur du blé brûlé lui arrivait peu à peu au nez, lui rappelant la faim qui lui tiraillait le ventre. La terre semblait se refermer sur ses doigts, l’empêchant de retirer sa main enfoncée dans le sol. Les vers, eux, s’étendaient toujours plus pour lui lier les jambes et la gorge. Le vent soufflait crescendo pour bientôt transformer en fouets les plantations et lacérer le corps de Abraxas. Le soleil, trop brulant, avait amorcé un feu dans le champ. Le blé devenait des projectiles qui filaient à toute allure, atteignant parfois au visage Abraxas. Pris au piège, souffrant de multiples sévices, le garçon suffoquait, hurlait et tentait de fuir, sans succès. Il était bloqué, immobile, au sol.
C’est alors que le feu s’approchait dangereusement, lui léchant presque les pieds. Les liens formés par les verres étaient de plus en plus serrés, jusqu'à détacher la tête de son corps. La terreur l’envahissait , sa tête hurlait de toutes ses forces…

La chambre avait été toute retournée, comme si les objets tout autour d’Abraxas avaient été soufflés De profondes fissures lacéraient maintenant les hauts murs blanchâtres et le verre des fenêtres avaient disparus. Felis et Lupus, ainsi que cinq elfes de maison avaient accourus, paniqués. Ils avaient réussi à réveiller Abraxas, au prix de plusieurs contusions et, pour un elfe, de la perte d’un bras. Le garçon était en sueur, incapable de comprendre ce qui c’était passé durant son sommeil. Dehors, le vent ne soufflait plus, comme s’il s’avouait vaincu.


Les villageois étaient de plus en plus inquiets. Le manoir semblait de plus en plus menaçant. La nuit dernière, encore, des vitres de la bâtisse imposante ont volé en éclats et le sol a vibré. Ne se sentant plus en sécurité, ils se sont réunis pour trouver des solutions. Quelques-uns d’entre eux ont décidé de monter la garde devant les grilles, au cas où.
Le cauchemar d’Abraxas avait maintenant deux jours. Deux jours durant lesquels il n’a plus osé fermer l’œil, trop inquiet à l’idée de refaire ce mauvais rêve. Felis et Lupus ne savaient plus que faire, désemparés face à l’inquiétude de leur enfant. A dix ans, il était déjà apeuré par la magie dont il pouvait faire preuve. Ils voyaient tous leurs efforts s’effondrer, en même temps que leur fils sombrait. Felis ne supportait pas ce spectacle, revoyait le malheur de la famille Evermonde. A bout de nerfs, elle frappait plus que de coutume et allait même jusqu’à brutaliser son mari. Une semaine passa sans qu’aucune solution ne soit trouvée. Dix jours. Et un hibou, au moment du repas. Un hibou noir de jais qui tenait une lettre. Lupus déchira l’enveloppe et plongea dans le petit carré de parchemin qu’elle contenait. « Les Rosier organisent une réception à laquelle nous sommes conviés ».

Les Malefoy et les Rosier étaient en guerre ouverte. Cela faisait partie de la coutume de leur famille respective : aucune entente. Felis et Lupus n’avaient aucune envie de se rendre à cette réception organisée par leur famille rivale. Pire, il craignait de laisser seul Abraxas. « Alors je viendrai avec vous » - du haut de ses dix ans, il avait parlé d’un ton ferme, même si l’on pouvait toujours percevoir sa peur de la magie.
La réception donnée par les Rosier n’avait, selon Abraxas, pas le même aplomb que celles données que pouvait donner Felis. Les bougies semblaient moins étincelantes, les mets étaient moins savoureux et les discussions moins intéressantes. Boudeur, il avait décidé de s’asseoir sur une chaise vide, ne souhaitant pas de compagnie. Certains sorciers venaient le saluer ou s’enquérir de son état, auxquels il répondait des banalités tout en concluant poliment la discussion.

C’est alors qu’une gamine faisait son apparition. Elle devait avoir une année ou deux de plus que Abraxas, pas plus. Elle était gracieuse, calme et transpirait la bonté d’une façon presque obscène. Le jeune garçon ne pouvait s’empêcher de la suivre du regard, presque happé par elle. Il la regardait déambuler parmi les convives, à l’aise et souriante. Un sentiment de malaise grandissait en lui à mesure qu’il observait la jeune fille. Il aurait aimé chasser ce sentiment de peur qui le tiraillait depuis des jours maintenant. Il aurait aimé pouvoir être aussi confiant que cette jeune fille, pouvoir soutenir son regard.
« C’est difficile, n’est-ce pas ? » Abraxas avait été chassé de ses pensées. Il posait un regard interrogateur à l’homme qui lui adressait la parole et qu’il ne connaissait guère. Là-dessus, le sorcier lui tendait une main puissante : « Ezra Rosier ». A contrecœur, Abraxas lui serra la main. Il avait toujours entendu beaucoup de mal sur le compte de cet homme. Il n’avait pas envie d’être vu en sa compagnie. « Je me doute que quelque chose te ronge de l’intérieur. Et, très honnêtement, vu ton âge, ça ne peut être que deux choses : soit la découverte de tes pouvoirs magiques, soit les affres de l’amour. Vue la façon dont tu regardes ma fille, je pense qu’il s’agit de la première option… »
A mesure que leur discussion se prolongeait, Abraxas sentait en lui le poids de sa crainte disparaître pour redécouvrir un sentiment de confiance en soi et de puissance. Son visage se faisait moins grave et plus souriant, il se redécouvrait grâce aux conseils de Rosier, son ennemi juré. Il lui glissait quelque conseil à propos de la pureté du sang, de la magie noire, surtout de la magie noire comme seul moyen de véritablement utiliser tous ses talents magiques. Jusqu'à en éveiller la curiosité du garçon... « Abraxas, mon garçon, vient par ici ! » - Lupus ne pouvait supporter que son fils puisse discuter avec un Rosier. Qu'en serait-il s'il venait à s'enticher de leur gamine ?


Le cabinet était faiblement éclairé, à la lueur de quelques bougies en fin de vie. Le capitonnage en cuir noir rendait la pièce suffocante, oppressante. Derrière le massif bureau de bois, élégamment sculpté,  Lupus Malefoy regardait d’un air grave son enfant. Abraxas était concentré, manipulant sa baguette avec soin. Cela faisait plusieurs mois qu’il passait ses journées enfermées ici avec son père. Depuis la réception du père Rosier, Abraxas avait témoigné une soif intarissable d’apprendre la magie noire, sans même attendre d’intégrer Poudlard. Heureux de ne plus voir leur enfant craintif à la magie, les Malefoy s’étaient empressés de satisfaire ses désirs.

Sa baguette commençait à émettre un sifflement suraigu et tremblait légèrement. Abraxas fronçait les sourcils tellement l’effort de concentration était intense. Lupus, lui, fixait son enfant d’un air grave, intense.  Des volutes de fumées d’un violet vif s’échappaient de la baguette du garçon et retombaient sur le bureau, alors à mi-chemin entre du gaz et du liquide. Lupus souriait à présent, fier de son garçon il déclarait : « Je pense que tu vas nous faire des merveilles dans cette Ecole, mon garçon ! »

D’un œil soupçonneux, il observait chaque recoin de sa chambre. Lorsqu’il fut assuré d’être seul, il déverrouilla à l’aide de sa baguette un tiroir de son bureau et en tira un petit carnet de cuir noir. Cela faisait maintenant un an environ qu’Abraxas avait pris l’habitude de griffonner à l’intérieur ses pensées, ses découvertes et ses rêves.  Il détenait la plus grosse parcelle d’âme qu’il est jamais offerte à quiconque. Car Abraxas n’offrait plus rien à personne. Il était devenu un garçon mystérieux, glacial et soupçonneux. Il n’était plus aussi docile avec ses parents et n’avait aucun remord à leur tenir tête. Il était arrivé, même, que Felis en vienne aux mains avec son fils.

Abraxas était amer. Il en voulait au monde entier d’avoir été enfermé dans un monde qui ne le sied plus. Il était las, à onze ans, de l’étiquette, de la mondanité et de ses mièvreries. Las aussi de vivre dans l’ombre de ses parents. Il voulait vivre par lui-même. Alors que tous les enfants autour de lui avaient intégré Poudlard, lui devait encore attendre une année. Il n’avait eu ses onze qu’en décembre, deux mois et demi trop tard pour la rentrée à Poudlard. Amer, il s’était retranché dans ses livres et dans son apprentissage de la magie. Il mettait à profit cette année de plus pour acquérir le plus possible de connaissances, désireux de briller au Château.


Une berline noire les attendait devant les grilles du manoir. Trois valises de cuir marron étaient aussi posées devant les grands escaliers du hall d’entrée. Abraxas trépignait d’impatience, hurlait après ses parents pour qu’ils soient plus rapides. « Dépêchez-vous, je vais être en retard ! » - gémissait-il. Finalement, les parents Malefoy ouvrirent les portes d’entrée et descendirent dans le domaine, précédé par Abraxas qui courait partout comme un chien enragé. « J’espère en tout cas qu’il se tiendra mieux en public, Lupus… » - murmurait sèchement Felis à son mari.

Dans la berline, le paysage anglais filait à une vitesse incroyable, telle une fusée. Comme un kaléidoscope, des couleurs et des formes indistinctes s’affichaient rapidement pour s’éclipser tout aussi vite. Abraxas, malaucœureux était devenu verdâtre et étonnamment calme tandis que Felis et son mari bavardaient calmement. Le chauffeur, quant à lui, ne pipait mot.
Comme à son habitude, la gare de King’s Cross était bondée. La famille Malefoy se frayait néanmoins facilement un chemin. Tout torse bombé, ils imposaient un respect certain même parmi les Moldus. Ils n’avaient pas trouvé judicieux de s’occuper des trois malles que le chauffeur traînait derrière lui, de façon désespérée. Ne prenant aucune précaution, ils traversèrent alors la barrière pour rejoindre le quai 9 ¾ . Comme soufflé par une explosion, ils furent dans un premier temps sonné par l’agitation qui régnait sur le quai bondé. Felis marmonnait un « de mon temps… » à peine audible tandis que Abraxas, pas impressionné, cherchait déjà à travers les fenêtres un compartiment vide. Il reconnaissait aussi quelques têtes que ses parents lui avaient fait côtoyer : Lestrange, Black… Rosier. Abraxas, reconnaissant Ezra, décrocha un timide sourire auquel ce dernier ne répondit pas. Maintenant entré à Poudlard, peut-être Abraxas était-il devenu une nouvelle menace pour le vieil homme ? Un coup de vent balayait alors le quai, faisant marmonner quelques sorcières. Surtout, il fit voler des cheveux que reconnaissait immédiatement Abraxas : la fille Rosier était ici, à quelques mètres de lui.


Les sombres fumées dégagées du Poudlard Express émettaient un bruit sourd. Il filait à travers champ, affrontant le froid de septembre et la pluie. Il empruntait des ponts qui surplombaient des rivières et des fleuves ou filait dans des plaines auxquelles il volait leur tranquillité. A bord du train, c’était la cacophonie. Les élèves les plus âgés violentaient les plus jeunes qui hurlaient au secours à leur mère. Les portes des compartiments claquaient tandis que les préfets courraient après les élèves. Abraxas, lui, était au calme, allongée sur une banquette du compartiment qu’il occupait. Il était accompagné par trois garçons et une fille dont il ignorait les noms. Malgré tout, il leur faisait la conversation et savait pertinemment que, déjà, ils buvaient ses paroles.
Rapidement, Abraxas Malefoy se fit un nom au sein du Château. Il était fourbe, manipulateur et ambitieux de sorte à en faire une figure maîtresse de la maison Serpentard. Il n’avait aucune gêne à se servir de son nom pour obtenir ce qu’il voulait, menaçant sans cesse ce qui s’opposaient à lui de ses parents. Il était aussi revanchard, de sorte à ne pas être le dernier à user de sa baguette ou de ses poings. Plutôt talentueux, il était rare qu’il ne finisse pas victorieux des batailles qu’il engageait. Ceci tenant aussi du fait qu’il était assez lâche pour ne pas se lancer dans une entreprise perdue d’avance.
Son année perdue avait été finalement bénéfique : ses connaissances étaient solides et multiples et il impressionnait régulièrement ses professeurs mais, surtout, ses camarades en utilisant la magie noire dans la salle commune. Personne ne trouvait rien à y redire, Abraxas étant suffisamment entouré et respecté pour susciter les craintes de représailles. A l’image de ses parents dans le monde magique, Abraxas avait réussi à se constituer une petite cour au sein de ce royaume qu’il pensait lui appartenir.

La Lune  était déjà haute dans le ciel. Abraxas dormait à poings fermés depuis déjà quelques heures. Il ne pouvait alors pas entendre la porte de son dortoir qui, doucement, s’entrouvrait. Un homme de taille moyenne, fin, se faufilait alors à l’intérieur. Il se dirigeait vers le lit du première année et, rapidement, lui posa une main sur la bouche et retenait ses bras qui tentait en vain de se défendre. Abraxas écarquillait ses yeux d’inquiétude et de panique. La Lune se dégagea d’un nuage et éclaira d’un faisceau de lumière le visage de Tom Jedusor. L’incompréhension faisait alors suite à la panique d’Abraxas. Le deuxième année relâchait alors la pression de sa main sur le visage du garçon qui se dégagea de son emprise. « Qu’est-ce que tu me veux, bon dieu ?! »

Ca avait été leur nuit. Ils avaient couru tous les couloirs, habitées toutes les planques et visitées nombres des pièces du Château. Peu à peu ce petit jeu devenait une habitude jusqu’à la troisième année d’Abraxas où, alors, l’un et l’autre connaissaient tous les secrets du Château. Tom et lui ne se quittaient plus, trop liés par leurs secrets échangés et cette idée qu’ils se faisaient du monde.
Alors qu’Abraxas n’avait pas aperçu Tom les premiers mois de sa scolarité, il le voyait maintenant partout et tout le temps. Alors qu’il se pensait maître des lieux, il dû s’avouer supplanté par Tom qui contrôlait tout, jusqu’aux professeurs qu’il embobinait d’une façon déconcertante. Abraxas n’était devenu rien d’autre que le bras droit de Tom Jedusor, ce qui n’enlevait rien de la crainte qu’il pouvait inspirer aux autres, au contraire. Il se trouvait cependant toujours des gens pour lui tenir, quoiqu’il se fasse de plus en plus rare avec le temps. Parmi eux, cette gamine Rosier. La jeune fille pleine de bonté, souriante et gracieuse. Elle avait toujours éveillé la curiosité d’Abraxas, malgré les années qui avaient passé. Il l’avait retrouvée parmi les Serdaigle. Elle semblait toujours aussi délicate, presque « parfaite malgré qu’elle soit une Rosier ». Personne ne comprenait vraiment cette attirance qu’il avait pour elle, nombre de ses amis la décrivant comme une « petite arriviste incolore ». Mais il n’en avait cure, il voulait la posséder.



Foutu hiver. Abraxas avait décidé de lâcher prise, il ne se voyait pas réviser plus encore ses cours. Alors il avait suivi une de ces gamines qui lui courrait après. Il lui avait arraché la bouche, comme une bête. Il avait laissé se promener ses doigts jusque sous sa robe. Il avait ricané quand la gamine avait ouvert des grands yeux surpris. De grands yeux dans lesquels son visage goguenard se reflétait. Dans lesquels il pouvait se regarder pendant qu’il lui faisait « ses trucs ».

Il avait finalement réussi à posséder Arachnée, et bien d’autres. Mais elle était différente. Quelque chose en elle le retenait, inextricablement. Il ne savait même plus s’il l’aimait ou la haïssait. Il en embrassait mille avant elle, mais c’étaient ses lèvres qui avaient le goût des fraises. Il en avait touchées mille avant elle, mais c’était sa peau qui touchait la braise. « Prends ma main. Ne la lâche pas. » - Pourquoi aurait-il voulu la lâcher ? Lorsqu’ils étaient ensemble, le temps était comme suspendu. Comme si les guerres familiales n’avaient plus aucun sens. Comme s’ils se possédaient l’un et l’autre. Pire que deux moitiés, ils comptent à demi-demi. « Je ne veux plus que tu t'en ailles. Je sais très bien que tu vas partir. Que tu ne vas plus me regarder, comme si je n'existais, comme si je n'avais pas le même sang que toi. C'est con, j'aurai préféré que tu t'acharnes sur moi, que tu me mettes plus bas que terre devant leurs yeux admirant. C'est con, j'aurai préféré que tu me montres que j'avais une importance pour toi. Même dérisoire. » - Elle était toujours trop compliquée. Il fallait qu’elle se pose mille questions. Il lui offrait un cadeau, lui, pourquoi ne pouvait-elle pas simplement le prendre et se taire. Il lui décrochait un sourire malicieux et approcha ses lèvres et, en un souffle, lui susurra  « tu sais bien que tu comptes plus que tout pour moi. Il serait trop dur de me montrer dégueulasse envers toi. Envers tout le monde, mais pas toi. J'pourrais pas. » Il l’embrasse en fermant les yeux car on dit qu’ils sont les seuls à ne jamais mentir. Elle lui répond « regarde moi. Regarde moi dans les yeux. Ca fait bien trop longtemps que tu ne l'as pas fait ».

La nuit passée avait chassée l’ardeur de l’hiver. Au petit matin, il s’en était détourné. Il ne voulait pas éterniser ses prises de plaisir avec Arachnée, de peur qu’elle ne tisse sa toile autour de lui. Elle était une Rosier, lui un Malefoy. Leur incompatibilité était viscérale.
« Malefoy. » - encore une fois elle venait tout rendre plus compliqué. Abraxas fait volte-face et la toise. Là, elle emplit de haine, elle ne lui inspire que du dégoût, de la honte. Il la veut forte, calme et adorable.  Il veut une chose de laquelle il peut disposer sans avoir à riposter. Elle explose de rire, un rire jaune au goût acide. « Un problème, peut-être ? Évite de m'importuner, mon temps n'est pas à toi. » - lâche-t-il, hautain et méprisant. « Quel beau lâche. C'est incroyable d'être autant idiot et égoïste. C'est dur d'assumer ses erreurs, n'est-ce pas ? C'est bien pour cette raison que nous n'aurions jamais rien en commun, toi et moi. La vérité, c'est que tu es resté le même qu'il y a quelques années. Sans aucune évolution intuitive. Sans rien. Tu n'es rien. Et tu resteras néant, pour toujours. Plus le temps passera, plus tu sombreras dans l'oubli, glorieux sort représentant la lâcheté de ton être. » - vomit-elle, fière de sa diatribe. Abraxas rebombe le torse, ne se départi pas de son sourire goguenard et lui lance, en pleine face : « sans doute, mais de n'importe quelle manière soit-il, si je sombre, tu sombres avec moi. ». Et il se retourne, continue son chemin, la plantant-là. Mais, si ses pas les séparent d’elle, il ne peut s’empêcher de penser à ce qu’il lui a dit. A cette vérité qu’il a vomi et peine à déglutir : « si elle sombre, je sombre avec elle ».


Comme à son habitude, Abraxas rangé son dortoir, méticuleusement, sous le regard amusé de ses camarades. Il refaisait son lit, chassait les poussières des rideaux et des oreillers, réalignait ses malles, etc… Il n’avait pas brillé cette semaine en cours. L’avance qu’il avait pu avoir des années plus tôt s’était tassée jusqu’à ce qu’il devienne un simple « bon élément ». La sixième année ne l’inquiétait pas outre mesure, de sorte à ce qu’il puisse demeurer aux côtés de Tom Jedusor à la nuit tombée. Ensemble, il expérimentait nombre de sortilèges dans la Tour de l’Université. Abarxas était le témoin privilégié de l’étendue des pouvoirs de Tom.

Un carré noir apparaissait devant eux. Il n’était pas plus grand qu’une enveloppe. Net, d’un noir intense, il ne faisait rien d’autre qu’être immobile, suspendu à un bon mètre soixante du sol. Tom paraissait extrêmement concentré. Comme s’il avait dû fournir beaucoup d’efforts pour en arriver à ce simple résultat. En le regardant exécuter son sortilège, Abraxas l’observait. Il l’imaginait faire preuve d’une plus grande magie encore pour ouvrir la Chambre des Secrets. Et lâcher le monstre sur cette élève qui avait été tuée. Abraxas n’avait jamais su si Tom était à l’origine de tout cela. Il n’avait jamais songé à le lui demander. D’un coup sec, avec un bruit sourd et grave, le carré noir avait disparu. Tom fit volte-face et regardait intensément Abraxas, un large sourire aux lèvres. Celui-ci avait la désagréable impression qu’il avait entendues toutes ses pensées. « Abraxas, mon ami, il est temps pour nous de nous rendre à la réception de Slughorn ».